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La Crise Mondiale Et L’urgence D’une RÉflexion Économique Prospective

La Crise Mondiale Et L’urgence D’une RÉflexion Économique Prospective

Le contexte politique et économique mondial actuel appelle de la part des dirigeants une réflexion stratégique absolument indispensable du fait des bouleversements intervenus depuis près de 14 ans aux plans économique, politique, géostratégique. Des bouleversements qui ne laissent indemne aucun pays de la planète. Au-delà du COVID, on assiste à une cassure du système économique mondial provoqué par diverses crises démarrées en 2008 avec la crise bancaire américaine, suivie de celle de l’Europe due à l’endettement de la Grèce en 2010/2011, pour aboutir au choc économique et sanitaire du COVID, à la guerre Russie/Ukraine transformée en guerre Otan/Pacte de Varsovie nouvelle formule, avec ses effets sur le système monétaire international, l’approvisionnement mondial en céréales et autres produits énergétiques. La conséquence des derniers chocs est la croissance de l’inflation aux USA et en Europe affaiblissant les économies et mettant à mal la bonne tenue de l’euro sur le marché des changes et créant de ce fait des divergences de vues et d’intérêts entre pays membres de la zone monétaire.

Comme déjà évoqué dans de précédentes contributions, la guerre et les sanctions économiques et financières consécutives à l’encontre de la Russie ont eu comme effet non seulement d’exclure ce pays de la mondialisation dans laquelle elle était insérée par ses fournitures en énergies et en céréales mais encore de donner naissance à des mouvements centrifuges dans les pays émergents, désormais orientés vers la création d’un nouveau pôle mondial alternatif essentiellement centré sur la Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran et la Turquie.

Cette rupture intervient dans un contexte européen de chômage et de forte inflation touchant l’alimentation des ménages mais aussi les charges des entreprises lourdement impactées par la hausse de l’énergie. Au plan monétaire, l’euro perd progressivement de sa valeur par rapport au dollar et, accessoirement, au franc suisse du fait de l’alourdissement de la charge de la dette publique des pays du Sud qu’aurait causé la remontée des taux d’intérêts.

La fin de l’euro comme monnaie unique est de plus en plus annoncée compte tenu des intérêts divergents des pays de cette zone en matière de politique monétaire. Cette perspective doit être intégrée dans une réflexion stratégique au double plan économique et monétaire. Les positions souverainistes se font jour partout en Europe. Elles gagnent du terrain en France et, pour les souverainistes italiens, la dette publique s’élevant à près de 150 % du PIB du pays serait mieux gérée en lire italienne plutôt qu’en appliquant les règles de gestion de la monnaie commune de la Banque Centrale européenne.

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La fin de l’euro, qui relève du champ des possibles, ne devrait pas entraîner ipso facto un arrimage systématique à la monnaie de la France sans pour autant mettre en avant des principes de souveraineté économique. Une politique économique souveraine à l’échelle du Sénégal reviendrait à rompre d’avec notre propension naturelle à importer jusque-là favorisée par le pouvoir d’achat d’un franc CFA fort parce qu’adossé à un euro fort depuis près d’une vingtaine d’années. Il est difficilement concevable que les aiguilles de machines de confection puissent encore être importées de France (SCMETZ) ou d’Inde ou de Chine. Importer c’est favoriser la création d’emplois chez le pays fournisseur.

À notre sens, il faut en revenir à la politique économique d’avant 1980, à savoir favoriser l’émergence de PME tournées vers la substitution progressive aux importations. Bien entendu, cela exige la mise en place de mesures protectionnistes pour ces industries naissantes qui ont eu cours dans notre pays avant l’ouverture tous azimuts au marché mondial au milieu des années 80. Le monde change et il est l’heure de changer avec lui. L’économie américaine a mis en place sous le magistère du président Trump des mesures protectionnistes contre la Chine afin de rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays, défavorable aux USA.

Cette politique est aujourd’hui poursuivie par exemple en matière de fabrication de panneaux solaires. Pourquoi les pays africains seraient-ils interdits de protéger leurs industries naissantes ? Il faudrait en revenir à une politique publique de création de PME dans des secteurs ciblés au préalable pour leur apport au rétablissement de l’équilibre de la balance commerciale, leur contribution à l’accroissement de nos réserves de change et à la création d’emplois.

Pour cela, des institutions d’accompagnement comme la SONEPI devenue ADEPME doivent être créées ou renforcées. Elles doivent pouvoir répondre aux besoins spécifiques de PME sectorielles et être dotées de moyens pour l’élaboration d’études de marché et de rentabilité, la mise en place de programmes de formation en matière commerciale, financière, comptable, technique, et technologique, et de suivi dans la durée de leurs progression.

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Des banques d’Etat pour impulser la création de PME

La création d’un tissu d’entreprises ne peut se faire sans banques spécialisées. La banque privée classique, dont le management est sujet à la reddition de comptes à ses actionnaires, ne sera pas encline à prendre des risques pour l’émergence de PME. Seules des banques d’Etat, dont les objectifs sont clairement définis dans cette direction, ont la latitude d’œuvrer dans ce sens.

Par le passé, le management des banques dites nationales au Sénégal s’était lancé dans une politique de crédit peu prudente en finançant tous azimuts le secteur arachidier via l’ONCAD et des particuliers choisis « intuitu personae » dans le secteur immobilier, en lieu et place de secteurs économiques identifiés comme prioritaires. Il s’en est suivi des pratiques de mal gouvernance à l’ONCAD et une saturation de la construction immobilière qui a fini en crise immobilière aigue, due à l’excès de l’offre sur la demande de vente et de location des biens immobiliers et avec comme conséquence des défauts de remboursements à grande échelle des débiteurs.

Pour éviter une faillite bancaire généralisée et protéger les déposants, la BCEAO et l’Etat du Sénégal intervinrent respectivement en rachetant aux banques leurs créances compromises et en renflouant la trésorerie des banques concernées.

Cette crise est à l’origine de la mise en place de nouvelles règles prudentielles par la BCEAO applicables aux banques en matière d’octroi de crédits et de comptabilisation et de réalisation de garanties foncières ne favorisant pas la prise de risque “PME” par les banques. Cela pour dire que la banque classique, du fait des conditions exigées aux PME en termes de production d’états financiers, de mouvements de comptes préalables à l’octroi de crédit, de garantie réelles à constituer, n’est pas l’instrument indiqué pour le financement PME. Il s’agit aujourd’hui de mettre en avant la souveraineté économique à l’instar de ce que font tous les pays du monde.

A cet effet, il nous faut aller dans le sens de la re-création d’un tissu économique homogène et endogène, et cela exige une volonté politique forte. Cela présuppose notamment un souverainisme dans la politique industrielle qui ne saurait s’embarrasser de l’acceptation de conditionnalités de bailleurs rétifs à la protection et aux subventions. Il n’est plus acceptable, sous le prétexte de disposer d’un pouvoir d’achat du FCFA fort, que la production locale d’aiguilles à coudre ne puisse être envisagée parce que non rentable.

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La mise en place d’un protectionnisme ciblé permettrait aux sous-secteurs choisis de se développer à l’abri de la concurrence internationale. Ce protectionnisme pourrait porter sur la limitation des quantités de produits importées, ou la hausse des tarifs à l’entrée du cordon douanier. Aussi est-il important que la politique d’endettement actuelle au profit de secteurs économiques ou projets improductifs soit progressivement abandonnée.

En amont de la Petite et Moyenne Industrie (PMI), il serait indiqué de promouvoir des industries « industrialisantes » à l’instar du modèle algérien, à savoir le développement d’industries situées en amont du système productif (sidérurgie, métallurgie, production énergétique). En cela, la piste dégagée par l’architecte Pierre Goudiaby serait digne d’intérêt parce que portant sur la transformation « in situ » de nos matières premières à l’échelle de plusieurs pays africains.

Rappelons qu’il s’agit d’une alliance industrielle à mettre en place entre le Sénégal, la Guinée Conakry et la Sierra Leone pour la transformation de leurs ressources minérales en utilisant le gaz sénégalais comme source d’énergie pour transformer localement le fer sierra-léonais en acier et la bauxite guinéenne en alumine. Ces projets de partenariat industriel intra africain, qui semblent d’emblée irréalisables, doivent être envisagés, étudiés et conçus sous forme d’entreprises publiques avec participation du secteur privé et fonctionnant aux « normes du privé ».

L’expérience de l’OMVS a prouvé que la mise en commun de l’exploitation de nos richesses en décuplait l’efficacité économique. Suite à l’aggravation de la situation en zone euro, la question du rôle de la monnaie en matière de développement économique de nos pays devient urgente. Il en va de l’avenir de nos pays, disposant d’une population majoritairement jeune et sans emplois. Des pays, surtout, en proie à une démographie galopante.







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