Il n’y a pas l’ombre d’un doute, que la coalition Benno Bokk Yakaar joue sa survie durant les législatives du 31 juillet 2022 prochain. À 18 mois de la fin du mandat de leur président, une défaite sonnerait, très probablement le glas pour cette association de vendeurs d’illusions, unis à la vie, à la mort, pour des raisons, qui sont tout, sauf vertueuses. C’est donc pour des raisons purement politiciennes et égoïstes, que les ténors de la majorité actuelle en fin de cycle, rejettent la cohabitation parlementaire, car la conjugaison d’efforts de tous les Sénégalais de bonne volonté pourrait empêcher notre pays de tomber dans le précipice que 60 années de déséquilibre institutionnel ont fini par creuser.
Au début, une révolution citoyenne et démocratique dévoyée
Arrivé au pouvoir, à l’ombre d’une dynamique citoyenne et démocratique exemplaire, alors que personne ne l’attendait, le président Macky Sall a su déconstruire l’héritage des Assises Nationales qui, dans les années 2010 – 2012, constituait un espoir réel de sortir notre pays de l’ornière.
De fait, après avoir, dans la suite logique des Assises Nationales, mis sur pied la C.N.R.I, le président de l’APR refusera d’en appliquer les recommandations.
Certains de ses frères de parti iront jusqu’ à accuser l’équipe du vénérable Amadou Mahtar Mbow d’avoir outrepassé ses prérogatives, en proposant un avant-projet de constitution, qui avait pourtant été validé par des conférences citoyennes tenues dans tous les départements de notre pays.
Devant la passivité d’éminents acteurs des Assises, il substitua au rapport final de la C.N.R.I, un projet édulcoré de réforme constitutionnelle qu’il soumit au référendum du 20 mars 2016.
Cette renonciation du pouvoir du président Macky Sall aux points essentiels de la plateforme de refondation institutionnelle portée par le peuple des Assises, a ouvert la voie à une gouvernance paradoxalement plus autoritaire que celles de tous les régimes qui l’ont précédé.
Cela s’est traduit par des atteintes caractérisées aux droits et libertés, la dégradation des mœurs politiques avec la promotion de la transhumance et surtout par la perversion d’un système électoral, ayant quand même, à son actif deux alternances, à tel point que droit de vote, secret du vote et même droit à la candidature ne sont plus du tout garantis.
Pas d’autre alternative que la cohabitation
C’est bien en raison de son style de gouvernance tyrannique, que le président de la République voit d’un mauvais œil une éventuelle cohabitation. De plus, du fait qu’il est celui qui détermine la politique de la Nation, il sera peu enclin à collaborer avec l’opposition parlementaire, surtout si on prend en compte sa prédilection pour une gestion solitaire et directive du pouvoir. Mais il risque de ne pas avoir le choix, en raison d’au moins deux facteurs:
- La modification des rapports de force politiques, en faveur de ses adversaires politiques, que sa défaite électorale va induire,
- L’amoindrissement de son autorité au sein même de son camp politique, à quelques mois de la fin de son second mandat, ce qui ne manquera pas de susciter des ambitions dans les rangs de l’APR et de la coalition Benno Bokk Yakaar.
Coup d’arrêt à l’hyperprésidentialisme !
On est effaré de constater la facilité, avec laquelle, le patron de Benno fait avaliser ses forfaitures et sa propension à habiller ses décisions les plus arbitraires du manteau trompeur de la légalité républicaine, à laquelle des opposants naïfs ou malhonnêtes et des mercenaires de la plume nous demandent de nous soumettre sans broncher.
Cabales et complots, arrestations injustifiées et arbitraires, tortures et assassinats, tout devient raisonnable et politiquement correct, dès lors que l’Exécutif apériste et ses appendices législatif et judiciaire donnent leur onction.
Les adversaires politiques diabolisés à souhait, deviennent des ennemis publics qu’on rêve d’incarcérer au soir d’élections, qui ont de fortes chances de se transformer en poudrière, à cause des rapports exécrables qu’entretiennent hommes politiques de la majorité et de l’Opposition.
C’est pour cela, qu’au-delà des apostrophes et invectives entre les principaux acteurs politiques, il faut se convaincre, que l’avenir institutionnel et démocratique de notre Nation se joue lors des prochaines joutes électorales du 31 juillet 2022.
De fait, le jeu politique semble régi par des logiques jusque-là inconnues, notre trajectoire démocratique oscille entre des tendances autocratiques avérées et de fragiles lueurs d’espoir de renouveau démocratique.
Si la défiance vis-à-vis du régime du Benno est tangible et indéniable, les perspectives de sortie de crise sont encore vagues et imprécises.
Les objectifs politiques semblent peu ambitieux, tournant essentiellement autour de deux problématiques découlant de l’hyper-présidentialisme obsolète, à savoir la cohabitation et le troisième mandat.
Les programmes censés nous sortir de l’ornière brillent par leur horizon limité, confinés à des contrats de législature, en lieu et place de programmes de gouvernement. Ils ne constituent, en réalité, que la dernière roue du carrosse, réduits à des catalogues de mesures certes pertinentes, mais où une place disproportionnée est accordée à l’institution parlementaire elle-même.
De même, on sublime la fonction de député, en dehors de toute considération politique, au lieu de s’interroger sur les intérêts que le parlementaire sert réellement, nous dessinant des profils utopiques de supermen de la démocratie représentative bourgeoise.
Le risque que nous encourons, c’est bien sûr une troisième alternance dévoyée, si les masses populaires ne s’approprient pas des enjeux de refondation institutionnelle.
Notre salut réside dans l’actualisation et l’application effective des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions.