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OÙ En Sommes-nous Au Senegal ?

OÙ En Sommes-nous Au Senegal ?

Le Covid et la guerre russo-ukrainienne en cours ont mis à nu toutes les vulnérabilités et faiblesses du système mondial dans lequel nous vivons. Le centre occidental de la mondialisation unipolaire a été secoué par ces deux chocs et permis l’enclenchement de systèmes alternatifs menaçants pour le système commercial, monétaire et financier actuel.

Nos pays sont intégrés dans ce système régi par le dollar pour ce qui concerne l’énergie, et les matières premières du sol et du sous-sol, dont les cours sont fixés selon le gré des agents de change au niveau des principales bourses du monde (Londres, New York, Chicago etc.), rendant illusoire toute prévision de recettes d’exportation, et par conséquent la viabilité des plans de développement adossés à des ressources financières internes.

Dans cette configuration, l’endettement est le principal moyen de financement des Etats occidentaux dont les encours sont largement supérieurs aux PIB sans que cela ne représente un handicap aux yeux de bailleurs multilatéraux et des institutions de zones monétaires très vigilantes sur l’observation des « ratios type ».

Pour veiller à une certaine forme d’équité sociale, les États se sont endettés outre mesure auprès des banques centrales dont la mission principale est la lutte contre l’inflation pour stabiliser la valeur de la monnaie. Aujourd’hui, l’endettement est devenu une ressource budgétaire constante levée auprès des marchés financiers sous forme d’obligations à court, moyen et long terme. Avant les deux chocs sus évoqués, la crise des sub primes aux USA avait ébranlé le système bancaire américain et s’était par la suite étendu à tous les pays du fait des artères de diffusion que constituent les relations de correspondance interbancaire et autres prêts et emprunts.

Aujourd’hui, une crise économique profonde s’est installée dans ces pays amplifiée par la guerre supra et les sanctions qu’elle a engendrées et dont les effets ont aggravé la hausse du coût de l’énergie, elle-même devenue rare, et celle des produits alimentaires, et entraîné le ralentissement de leurs économies.

Le FMI, pessimiste prévoit une fin d’année 2022 catastrophique pour la France et l’Europe en général, sans espoir de redressement en 2023. Le libre jeu d’une concurrence jadis voulue comme pure et parfaite a mené le libéralisme à ses dernières limites. Les entreprises occidentales championnes de leurs pays sont devenues des multinationales à la recherche des meilleurs taux de rendement en termes de coût du travail, de qualité de main d’œuvre et de taux de change.

Elles ont trouvé dans les pays autrefois désignés comme appartenant au tiers monde (Inde, Chine, Brésil), les environnements propices à la réalisation de super profits, et ont délocalisé au détriment de leurs pays d’origine.

Grâce à cet apport en capitaux et en technologies, ces pays d’accueil se sont industrialisés et sont devenus les BRICS désormais affublés du label « pays émergents ». Ces pays sont devenus les lieux de transformation ou de fabrication de composants industriels pour les multinationales, maîtrisant les technologies de pointe et dotés d’un système d’éducation et de formation parmi les meilleurs au monde.

Les besoins sociaux nés du Covid et les dépenses sociales pour préserver la valeur du pouvoir d’achat ont accéléré l’endettement des Etats, désormais supérieur à 100 % du PIB pour bon nombre de pays d’Europe.

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Aux USA, la dette étant d’environ 30 610 milliards de dollars au 1er février 2022 fait 130 % du PIB. Le remboursement d’obligations indexées sur l’inflation arrivées à maturité a nécessité le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas permettant de faire face au paiement des intérêts correspondants, créant en boucle un surcroît d’inflation. L’inflation détériorant la valeur des monnaies, l’euro, au plus bas, entraîne dans son sillage le Fcfa arrimé à lui par un taux de change fixe. N’ayant pas une base économique exportatrice pour bénéficier de la baisse du FCFA par rapport aux autres monnaies, et devant faire face à l’augmentation de la facture pétrolière due à une appréciation du dollar, le Sénégal, à l’instar d’autres pays de l’UMOA à structure économique similaire, se retrouve doublement handicapé du fait de n’avoir pas su en 30 ans jeter les bases d’une transformation industrielle. Aussi, à ce stade, convient-il de poser à nouveau la problématique de la question du FCFA et des réformes annoncées concernant l’éco. La question centrale est la suivante : « à quoi sert une monnaie si ce que l’on a à exporter n’a pas une grande valeur ajoutée et si les prix à l’export sont déterminés ailleurs dans les lieux de spéculation (places boursières de Londres, Chicago etc. pour les produits miniers non transformés et les produits agricoles).

Garder le Fcfa ? En UMOA, aucune politique monétaire tendue vers le développement économique n’est possible. Celle existante a comme objectif majeur de défendre la valeur de l’euro et, par ricochet, celle du CFA, alors que les économies n’ont pas la même structure. Créer une nouvelle monnaie ? Oui bien sûr, mais pour quel type d’économie ? Comment en piloter la politique sans définir l’espace, établir son homogénéité par rapport aux Etats qui le composent en termes de complémentarité, définir et évaluer les nécessaires péréquations à faire pour compenser d’éventuelles pertes générés par les disparités économiques ? L’évolution de la zone euro en pleine turbulence doit interpeler.

Où en sommes-nous au Sénégal ?

Au plan politique, la situation est délétère. La longue confrontation pouvoir /opposition, sans pause aucune, a durci et les relations et le débat politiques. Les emprisonnements, les invectives, les accusations, les interdictions de manifester ont envenimé la situation.

Plusieurs fois annoncé, le Dialogue n’a jamais eu lieu, contrairement à ce qui s’était passé sous les régimes des présidents Senghor, Diouf et Wade. On est arrivé à un grand tournant avec en perspective l’élection présidentielle de 2024, après avoir élu de nouveaux maires et députés.

Ces dernières consultations législatives ont établi une grande avancée de l’opposition dans la collecte des suffrages des Sénégalais. La prochaine élection présidentielle est placée sous le signe de la candidature ou non du Président actuel dans une configuration de perte d’influence du parti présidentiel.

L’APR est sur une pente descendante. Les élections l’ont attesté au fur et à mesure. Les premières explications données ont été que la défaite était imputable aux responsables, puisque le chef n’était pas en lice. Aux législatives, les principaux animateurs ont été défaits, renseignant ainsi sur la perte d’influence de l’APR dans le pays. Ce sont ceux-là mêmes qui soutiennent que le Président a la capacité de rassembler au-delà de son parti qui prédisent sa victoire en 2024. Cet air est connu. Abdou Diouf, au 2eme tour de 2000, était groggy de surprise pour ne pas avoir été élu dès le premier tour comme le lui avaient assuré ses proches collaborateurs. Abdoulaye Wade a également été très surpris de devoir aller au 2eme tour contre son ancien lieutenant. Le Président Macky Sall a trois options :

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1) S’en tenir à sa déclaration de ne pas se présenter en 2024 faite de manière explicite au Sénégal et dans le monde. Cette option serait en conformité avec la morale, même si les organes habilités établissaient la possibilité juridique de se présenter. Dans cette configuration, le Président Macky Sall devrait vite faire connaître sa décision afin d’aménager un espace-temps au dauphin de son choix, du reste difficile à trouver le chef de l’Etat n’ayant pas cultivé la verticalité dans la structuration de son parti depuis sa création.

2) L’option de présenter sa candidature en invoquant la Constitution. Cette option ne laisserait pas non plus son parti indemne car des candidats potentiels derrière les rideaux ont déjà bâti tout un logiciel sur la base de l’engagement de limitation du mandat du Président conforté par la célèbre phrase de verrouillage “Nul …..”. Par ailleurs, cette candidature risquerait d’être farouchement combattue par une jeunesse plus engagée que par le passé.

3) Enfin, certains de ses lieutenants, peu convaincus par sa candidature, prendraient alors le risque d’une « transhumance » avant le premier tour afin de gagner les faveurs de l’opinion.

Dans cette option, le thème de campagne de l’opposition serait tout trouvé : le reniement ! D’ici là, 15 mois électriques nous attendent sur fond d’une crise inédite du pouvoir d’achat et d’aggravation de la misère des plus vulnérables.

Le 82 contre 82 à l’Assemblée nationale va rendre la gestion du pays beaucoup plus difficile que par le passé. Au-delà de la crispation à l’Assemblée nationale, la grande tension du climat politique est imputable à l’affaire Sonko/Adji Sarr, devenue obsessionnelle, du fait du matraquage tous azimuts observé depuis un an et demi sur ce leader de l’opposition.

Entre « il va être convoqué demain, et il sera arrêté tout à l’heure », rien ne milite en faveur d’un climat apaisé propice au dialogue politique consubstantiel à notre démocratie. Bien au contraire, cette pression transférée sur les militants du PASTEF a porté la température à des niveaux extrêmes, sources de violences. Au plan économique, le Sénégal traverse une passe difficile au niveau financier du fait de la flambée de l’énergie amplifiée par la hausse du dollar.

Les investissements directs étrangers, source de croissance, sont rares, et le PSE stagne en termes de travaux. Les déficits budgétaires récurrents sont couverts par des levées de fonds sur le marché obligataire sous régional ou alors des eurobonds dont les taux d’intérêts viennent alourdir les charges d’intérêts qui en constituent une large part des sorties.

L’inflation tirée par l’énergie et les produits alimentaires a nécessité des subventions couvrant à peine la détérioration du pouvoir d’achat.

Dans les rayons des hypermarchés, les prix des produits alimentaires sont passés du simple au double quasiment.

Les partenaires au développement comme le FMI, soucieux du bon remboursement de la dette, attirent l’attention sur la nécessité de ramener les subventions à des niveaux compatibles avec le service de la dette.

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A ce propos, ils appellent les pouvoirs publics à supprimer progressivement les subventions consacrées à l’énergie « tout en protégeant les plus vulnérables par des mesures ciblées », alors que celles-ci sont déjà insuffisantes pour les particuliers et indispensables aux PME pour conserver de la compétitivité.

Il faut cependant admettre à l’endroit du FMI qu’il agit et prescrit en banquier soucieux du retour de ses fonds levés sur les marchés financiers.

Pour la Banque mondiale, « les tensions géopolitiques et les pressions inflationnistes ont affecté les moteurs de la croissance et le pouvoir d’achat des ménages en 2022 ». Le déficit budgétaire devrait s’améliorer légèrement tout en restant supérieur à 6 % du PIB, pour la troisième année consécutive en 2022.

En réalité, le Sénégal a un problème de stratégie de développement économique. Le PSE a été circonscrit et identifié aux travaux effectués, notamment en matière de routes et de transports. Aucune perspective de transformation industrielle n’a été mise en route. La transformation du capital humain par l’éducation et la formation professionnelle marque le pas.

Les investissements directs étrangers attendus pour booster le développement industriel sont circonscrits dans le domaine minier avec un faible niveau d’implication du pays et de sa force de travail, compte étant tenu des ressources financières nécessaires hors de portée et certainement de « bargaining power », si l’on se réfère à la décision du colonel Mamady Doumbouya, président de la Guinée, de faire cesser de suite toute activité à Simandou (un des plus vastes gisements de fer au monde), et à long terme de faire entendre la voix de son pays sur le prix du fer ou de la bauxite sur les marchés internationaux.

Au plan de la bonne gouvernance, des manquements sont régulièrement dénoncés dans la presse et dans des rapports d’organes de contrôle de la gestion de services ou d’entreprises publiques, le tout restant sans suite.

La demande d’une discipline dans la gestion de la chose publique élargie à l’ensemble des dirigeants et aux populations est sociale !

La surveillance incombe à tous les Sénégalais. Les détourneurs de fonds publics doivent être sanctionnés, même s’ils font de la politique avec !

La détérioration volontaire du bien public doit être dénoncée et sanctionnée.

Le jet de peaux de bananes par-dessus les vitres de véhicules en marche ne doit plus être toléré. La discipline est une demande nationale. Il faut créer les conditions d’une auto discipline en édictant clairement les règles.

Au plan institutionnel, il n’est plus acceptable de « tailler » la Constitution au profit d’un chef omnipotent et omniscient. A terme, il faudrait ramener le mandat présidentiel à un non renouvelable en attendant de mettre en place des institutions indépendantes et conscientes de leurs pouvoirs. On a pu constater que nos présidents, dès le lendemain de leur première élection, sont assaillis de courtisans invoquant un 2ème mandat !

Or la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, pouvant lui donner le sentiment d’être le maître de tous les destins, encouragée en cela par d’éternels courtisans, est dangereuse pour la démocratie et pour la République.







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