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Malaise Paysan

Dans le nord du Sénégal, les riches terres s’assèchent. À perte de vue s’étend la jachère érigée presque en pratique courante sur de vastes espaces inexploités. Une telle immobilisation étonne dans un pays bien doté par la nature pour mettre en valeur ces superficies qui s’usent faute d’être cultivées.

Que cache cette situation qui frise l’aberration ? Assiste-t-on à un mauvais état de conservation des sols ? Quels sont les obstacles sous-jacents à la production dans cette région qui peine à s’épanouir ?

Au lendemain de la crise sanitaire du Covid-19, le pays, secoué par les rétentions de produits, découvrait sa trop forte dépendance à l’extérieur pour ses approvisionnements en céréales.

Tout le monde s’accordait pour relancer la filière riz dans la vallée. De gros moyens furent dégagés à cette fin. La volonté politique s’affichait plus nettement en faveur d’une inversion des priorités : produire plus et à terme se soustraire aux importations massives.

Celles-ci érodent le pouvoir d’achat et ruinent les ressources produites localement. Conséquences : mévente, perte d’autonomie,  accroissement de la dépense publique en guise de soutien (ou d’aide) à des paysans qui pourraient s’en passer si des ajustements s’opéraient en leur faveur.

Résumé ainsi, cela peut paraître convenu. Mais il y a mieux à faire : afficher une ferme résolution à placer les agriculteurs au cœur de la relance agricole. Après tout, rien ne pourrait se faire sans eux. Mieux, l’Etat, à son tour, devrait être moins envahissant tout en encourageant les initiatives à la base.

La possibilité de s’en sortir seul est tentante. En revanche, le sort commun (et très peu envié) des paysans devrait les inciter à privilégier des projets collectifs d’envergure pour des récoltes accrues susceptibles de leur procurer davantage de revenus.

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Dans le département de Podor ou dans la région  de Matam, les productions restent faibles. Le déficit céréalier, toujours chronique, expose les paysans à une non moins chronique précarité. Là gît une colère froide dont l’explosion reste imprévisible. La situation le long du « Dandé Mayo » devient préoccupante.

Pourquoi l’aménagement des terres attenantes au fleuve tarde à se massifier au profit des vrais acteurs agricoles dans ces contrées ? La Société d’aménagement, la Saed pour ne pas la nommer, ripoline son image et tente par des artifices surannés de démontrer que la région a de l’avenir. Elle a aussi un passé, non ! Depuis le temps qu’on en parle !

Ces projections soporifiques se heurtent toutefois à la dure réalité des faits : très peu de surfaces sont aménagées pour une demande d’exploitation en hausse constante. L’irrigation est aléatoire avec de fréquents arrêts qui hypothèquent les cultures adossées à un paralysant système de redevance.

Malgré les contreperformances, les paysans sont assujettis au paiement de taxes en contrepartie d’un service que n’assure pas toujours la Saed dont l’efficacité est remise en cause.

Chantée et vantée par tous les régimes qui se sont succédé, la mise en valeur de la vallée, se heurte à une série ininterrompue de contraintes : exacerbation des appétits fonciers, manque notoire de projets industriels, sous qualification des ouvriers agricoles, sourde rivalité des Etats de l’OMVS sur les dividendes supposés.

A ces facteurs s’ajoute le réchauffement climatique qui perturbe, s’il ne désarticule, des politiques, trop lentes à s’exécuter. Ces atermoiements sur de longues décennies amplifient le malaise paysan. Ils ne s’en sortent pas faute de modèle de développement pertinent et convaincant.

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La tutelle écrasante de l’Etat se mêle de tout et empêche l’émergence d’un paysannat vaillant et épanoui. La route du succès n’est pas encore pavée de réussites dans le cœur battant de cette « Californie » du Sénégal. Et pour cause ! Il y a eu autant de politiques agricoles que de présidents à la tête de l’Etat.

Ainsi, l’absence de consensus sur une ambition nationale n’est pas étrangère à la déperdition de volontés. En outre le patrimoine foncier se dégrade alors même qu’il tarde à être judicieusement exploité.

Amers, les paysans ne savent plus à qui se fier. Dépourvus de moyens, s’ils sont maintenant privés de terre, leur raison de vivre perd tout son sens. Et tout le pays en pâtit puisque le riz et d’autres spéculations pouvaient être cultivés chez nous pour réduire la facture et résorber la fracture territoriale.

Le Nord, exploité à bon escient, a la capacité de nourrir notre pays dont la vocation est de mettre en cohérence les potentialités existantes pour assurer son équilibre. Toutes les prévisions soulignent cette embellie annoncée.

Petits et grands, les acteurs, présents sur le marché agricole, n’appréhendent pas de la même façon l’essor de la vallée nantie de 240 mille hectares de terres arables. Et pourtant l’activité ne manque pas.

La tomate existe. La pomme de terre aussi. De même que le fourrage, le maïs, le sorgho et le niébé. Toutes ces variétés peuvent être transformées. La maitrise de leur cycle de culture conditionne leur finalité industrielle. Il s’en suit un accroissement des tonnages, un suivi des filières, le développement de marché (entre offre et demande), la hausse des revenus, donc du pouvoir d’achat et une relative prospérité plus assise.

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A leur tour, les banques guettent. Elles surveillent la conjoncture qu’elles décortiquent à l’aune de leur grille d’analyse. Convaincue de l’expansion en cours, la Banque agricole consolide et renforce sa présence sur les terres rurales. Dans son sillage, la BNDE s’installe avec des lignes de financement dédié à des secteurs agricoles identifiés et ciblés.

N’est-il pas temps dès lors, de changer d’approche en laissant émerger des « champions agricoles » ?

Le riz reçu de l’Asie, au titre de l’aide, est cultivé par des paysans soutenus et motivés. Devons-nous en être fiers alors que la jachère envahit nos terres sous de fallacieuses raisons ?

Ce paradoxe ne présage rien de bon. Car depuis l’indépendance, la question foncière coltine les dirigeants et angoisse les adeptes de la souveraineté alimentaire. Nul ne sait ce qui va se passer.

La guerre Ukraine-Russie entre dans une phase décisive. L’Europe qui soutenait Kiev, recule alors que les Etats-Unis renouent avec le facétieux « América first » pour davantage se recroqueviller. Victorieux dans deux primaires clés, Trump renait de ses cendres et inquiète Biden par ailleurs chahuté par Netanyahu.

Ce dernier croise les doigts, espérant une victoire en novembre du sulfureux milliardaire new yorkais. Porté par ces tensions vives, le monde retient son souffle. Chaque bloc compte sur ses forces pour résister au rouleau compresseur d’une crise mondiale qui se dessine.

La Chine n’a pas encore dit son dernier mot. Elle progresse en Afrique et gagne du terrain au détriment d’une Europe moribonde.

Ouvrons les yeux : le temps presse. A notre détriment…







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