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La Constitution, Dernier Rempart

Deux anciens présidents qui signent un communiqué commun, appelant à l’apaisement et à la réconciliation tout en soutenant le report de l’élection présidentielle, des médiateurs autoproclamés qui s’activent pour l’instauration d’un dialogue entre le chef de l’Etat et le chef d’un parti de l’opposition embastillé, des idées d’amnistie agitées, des victimes et des parents de personnes décédées lors de violences désemparés, etc.

C’est dans ce contexte que Karim Wade s’est fendu d’une missive pour se réjouir d’avoir appris qu’ « Ousmane Sonko est en négociation avec le Président Macky Sall en vue de sa prochaine libération et de celle des personnes emprisonnées avec lui ». Après avoir prié pour que ce dernier « recouvre rapidement la liberté » et félicité toutes les personnes qui « officient sans relâche et dans la plus grande discrétion pour sa libération », il dit son impatience de l’ « affronter dans la sérénité lors de l’élection présidentielle du 15 décembre prochain dans un scrutin démocratique, ouvert, inclusif et transparent ».

Tout ce méli-mélo témoigne du fait que ce qu’il se passe aujourd’hui avec l’arrêt brusque du processus électoral est une catastrophe. De démocratie craquelée voilà donc le Sénégal devenu une démocratie fracassée sous les coups de boutoir d’un « matey » cavalier habité par une petitesse de vue, si ce n’est une ivresse du pouvoir, qui le décrédibilisent totalement. Pour accentuer cette descente aux enfers, il nous a été servi après une douzaine d’années de règne à la tête du pays, un discours abscons aux allures de manœuvre cousue de fil blanc. Ce dernier cherchant en effet à masquer une ruse de plus, tout en essayant de s’incruster durablement dans les plis d’un pouvoir présidentialiste qui fascine et fait fantasmer nombre de candidats à la candidature.

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A force de louvoiements, le risque est d’installer une rupture de confiance profonde entre les gouvernants et les citoyens exaspérés. En mal d’espoir pour leur écrasante majorité, comme saisis d’apoplexie, ces hommes et femmes, jeunes et vieux manquent d’air. Privés de cette respiration démocratique que permet l’élection, dépossédés de cette espérance d’un nouvel horizon qui aide à supporter les affres du présent ils étouffent, impatients d’enfanter à date échue un lendemain plus à leur portée. Brandissant leurs cartes électorales, en déphasage avec le dialogue dont il est question, ils tiennent ainsi à rappeler que ce dernier se fait en amont ou en aval, pour poser les règles du jeu ou en faire le bilan dans la perspective de nouvelles stratégies, mais certainement pas pour changer les règles en cours de jeu. Surtout qu’un vrai dialogue se déroule autour de principes clairs et non pour s’accorder dans la temporalité spécieuse d’arrangements dénués de toute épaisseur historique, embourbés dans la gadoue des ambitions personnelles et des calculs égoïstes.

Aussi est-il important de rappeler qu’une démocratie ne peut fonctionner qu’avec des démocrates. En somme des hommes et des femmes soucieux de la République, dotés d’une perception non captatrice du pouvoir, portés par un amour tyrannique pour leur pays, loin des petits calculs qui n’ont en ligne de mire que leurs petits conforts personnels. Il est donc bon de rappeler qu’une démocratie, ce sont des élections régulières, libres et transparentes, la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression et de presse, une opinion publique forte. Une fois énoncées ces grandes lignes, il reste aux hommes et aux femmes de conviction de les appliquer si l’on ne veut pas qu’une quelconque instrumentalisation s’invite dans cette relation indivise et fasse courir le risque d’un basculement dans le chaos. Et le temps presse assurément au regard de la tension palpable, dans la rue, avec son cortège de vies fauchées, et d’ambitions calcinées.

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Il s’y ajoute une grande misère sociale comme nous le rappelle ces 46 jeunes candidats à l’émigration irrégulière originaires de la zone de Missirah et de Koussanar, dans la région de Tambacounda. Agés entre 12 et 35 ans, ils ont été interpellés dans la nuit de lundi à mardi à l’entrée de la commune de Kaolack sur la route de Kaffrine, selon une dépêche de l’Aps. Chacun des migrants détenait une sacoche contenant des biscuits qui devaient leur servir d’alimentation au cours de leur voyage.

Près de 65 ans après l’indépendance du Sénégal, à voir ses enfants s’inscrire ainsi dans une démarche suicidaire, essayant vaille que vaille d’aller chercher ailleurs des moyens de vivre en dit assez sur les faillites d’une gouvernance plutôt encline à « se servir » qu’à « servir » les laissés-pour-compte. Parce que la crise multidimensionnelle que nous vivons est d’une grande acuité, elle nous oblige à nous convaincre que rien de durable ne peut se bâtir dans le mensonge et la manipulation mais plutôt dans la vérité et la grandeur. A cela, Il faut ajouter l’enterrement de facto de la commission d’enquête parlementaire devant faire la lumière sur les accusations de corruption, de collusion et de conflits d’intérêt, voulue par le Pds et renforcé par la majorité, après enrôlement de la plainte du juge du Conseil constitutionnel Cheikh Ndiaye. Ce qui en dit long sur le burlesque voire le tragique d’une situation qui a conduit au report brutal de l’élection présidentielle.

C’est dire qu’il revient plus que jamais au Conseil constitutionnel de jouer son rôle, d’assumer pleinement ses prérogatives au nom du peuple sénégalais. Parce que l’atmosphère est pesante, parce qu’ils sont soumis à l’exigence de responsabilité, parce qu’il s’agit de défendre la Constitution, il est alors bien loin le temps des dérobades.

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