L’orgueil est omniprésent dans nos interactions. Comme le dit La Rochefoucauld ; « l’orgueil a l’art de jouer tous les personnages de la comédie humaine. » Il est facilement perceptible à travers de nombreux défauts qu’il nourrit. Cependant, il peut être plus subtil lorsqu’il se cache derrière certaines qualités, dans des situations particulières. Qui peut prétendre n’être point orgueilleux ? On entend souvent le propos : « Moi, je ne suis pas orgueilleux, mais je suis fier. » Cette émotion que vous appelez fierté, d’autres peuvent la percevoir comme de l’orgueil.
Définitions
L’orgueil est une joie née de l’opinion avantageuse, souvent exagérée, qu’un individu a de lui-même. La fierté, quant à elle, est un sentiment proche de l’orgueil, mais sans cette tendance à se mesurer constamment aux autres. L’amour de soi est présent dans ces deux sentiments, mais dans le cas de l’orgueil, il compense une faible estime de soi souvent inconsciente. Dans de nombreux textes sacrés, l’orgueil est considéré comme la racine de tous les péchés, l’origine de tout mal.
Caractéristiques principales
– L’une des principales caractéristiques de l’orgueil est sa capacité à se transformer. Il peut se dissimuler derrière l’altruisme, la curiosité, la fierté, la générosité, la jalousie, l’envie, la colère, la peur, l’excès ou l’humilité.
– L’orgueil et la vanité sont tous les deux des passions, mais tandis que la première est une émotion sociale ou un sentiment, la seconde est un désir. L’orgueil est une passion pour l’adulation de soi tandis que la vanité exprime le désir de briller aux yeux du monde extérieur.
– La fierté évolue dans le temps et selon les contextes. La fierté du jeune garçon diffère de celle de l’adolescent ou de l’adulte. Plus on s’éloigne de la phase narcissique de l’évolution psychologique, avec la maturité, plus l’orgueil se transforme en fierté.
Autres caractéristiques
– Orgueil et contrôle
L’orgueilleux veut contrôler son environnement en utilisant la manipulation, la séduction et l’indirection en général. Si ces méthodes échouent, il recourt à l’agressivité.
– Orgueil et vanité
L’orgueilleux et le vaniteux sont tous les deux sensibles à leur position vis-à-vis des autres, mais l’orgueilleux est en quête de considération et d’importance, tandis que le vaniteux, lui, cherche la première place. L’orgueilleux craint de ne pas être digne d’amour alors que le vaniteux a peur d’être sans valeur. L’orgueilleux a besoin de connaître son soi à travers l’interaction avec les autres, le vaniteux s’emploie à développer son soi qu’il juge fragile. Plus leur vécu intérieur semble lamentable, plus les actions extérieures sont intenses. « Extérieur grandiose, perception d’un vide intérieur abyssal. »
– Orgueil et narcissisme
Le narcissique se concentre sur lui-même, il est tout occupé par lui-même. L’orgueilleux, l’envieux, l’enthousiaste et l’individu excessif peuvent être narcissiques. L’orgueilleux surveille son environnement pour nourrir son amour-propre. L’envieux et le jaloux, tombant dans la haine d’eux-mêmes, développent du narcissisme négatif. L’enthousiaste et l’homme excessif, qui ont un grand besoin de l’attention des autres, révèlent leur narcissisme. Tous sont absorbés par eux-mêmes.
L’orgueil se présente souvent sous une forme évidente ressemblant à de l’arrogance, de la jactance, de la présomption ou de la susceptibilité, mais il peut également se dissimuler derrière le masque de l’altruisme ou sous les traits de la curiosité. Il atteint son degré ultime de métamorphose lorsqu’il prend l’apparence de l’humilité.
– Orgueil et altruisme
L’orgueil se cache très souvent sous le masque de l’altruisme, car l’orgueilleux comprend rapidement que c’est un moyen d’obtenir de la considération. On distingue un orgueilleux d’un altruiste en observant le caractère désintéressé et non compulsif des actions de ce dernier. Le véritable altruiste reconnait ses besoins, accepte aussi de recevoir, tandis que l’orgueilleux se place compulsivement au service des autres.
Pour mieux appréhender cette capacité de métamorphose, citons François de La Rochefoucauld :
– Orgueil et curiosité
« Il y a diverses sortes de curiosités ; l’une d’intérêt, qui nous pousse à désirer apprendre ce qui peut nous être utile, et l’autre d’orgueil, qui naît du désir de savoir ce que les autres ignorent. »
– Orgueil et fierté
« L’orgueil, comme lassé de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par la fierté de sorte qu’à proprement parler la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil. »
– Orgueil et humilité
« L’humilité n’est souvent qu’une feinte soumission, dont on se sert pour soumettre les autres ; c’est un artifice de l’orgueil qui s’abaisse pour s’élever ; et bien qu’il se transforme de mille manières, il n’est jamais mieux déguisé et plus capable de tromper que lorsqu’il se cache sous la figure de l’humilité. »
Exemples
Cas orgueil
– Orgueil masculin : dans la société patriarcale, les rôles sont bien définis. Pour un homme, la cuisine est une affaire de femme.
– Orgueil national : nous sommes les meilleurs partout (les plus intelligents, les plus robustes, etc.).
– Refuser de demander de l’aide alors qu’on en a réellement besoin (appréhension du « non »).
– S’empresser de rendre un don par le don (l’orgueil qui se dissimule derrière la gratitude).
– Être mal à l’aise avec d’autres qui ont un avantage (en matière d’avoir, de savoir, de réputation, etc.).
Cas fierté
– Fier de posséder une maison.
– Fier de ses enfants.
– Fier de ses aïeux.
– Fier de sa générosité.
– Fier de ses compétences.
– Fier de son équipe de foot.
Mauvaise nouvelle
Nous avons tous, d’une manière ou d’une autre, ressenti ces émotions. Toutes ces émotions qui ont un lien avec la conscience de soi (l’orgueil, la vanité, l’envie, la jalousie et la honte) sont beaucoup plus présentes dans nos vies que nous ne le pensons. La honte est nommée « émotion maîtresse », l’orgueil est l’une des émotions qui compensent notre sentiment de déficience inhérent à notre condition humaine. La Rochefoucauld nous rappelle que : « Si nous n’avions point d’orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres. »
Bonne nouvelle
Même si l’orgueil est notre défaut dominant, il est possible d’exploiter ses fonctions utiles tout en prenant du recul face à ses effets nuisibles. Le pragmatisme nous pousse à préférer un individu orgueilleux avec une tendance marquée par de la générosité à un autre parfaitement égoïste.
Utilité des émotions d’orgueil et de fierté
L’orgueil participe à notre survie. Il constitue un puissant ressort vers l’excellence. L’orgueil individuel et l’orgueil national contribuent à assurer la préservation des différentes parties prenantes de la société. La fierté est un antidote à la honte toxique. Nous devons apprendre à nos enfants à être fiers d’eux-mêmes. Les compliments et feedback positifs y contribuent largement.
Nocivité des émotions d’orgueil et de fierté
L’orgueil est la source de nombreuses difficultés. Elle est considérée comme le péché originel. « L’orgueil précède la chute comme l’humilité précède la gloire », dit-on. L’orgueil et la honte marchent main dans la main. Comment recevoir des annonces perçues par le plus grand nombre comme flatteuses ou déshonorantes sans tomber dans l’orgueil ou la honte, mais plutôt avec retenue, responsabilité et sens du discernement ?
Gestion des émotions d’orgueil et de fierté
– Surmonter l’orgueil par la fierté.
– Lutter contre l’égoïsme et l’altruisme excessif. Être simplement humain (ni trop humain, ni peu humain).
– Apprendre à dévoiler sa vulnérabilité (son humanité) en diminuant le contrôle.
– Apprendre à se détendre.
– Prendre soin des autres et de soi-même de façon équilibrée.
– Agir de manière désintéressée envers autrui.
– Faire son introspection pour identifier, à l’intérieur de soi, les différentes métamorphoses de l’orgueil.
Ibrahima Thioye est consultant en développement personnel.