Alors que le Forum international sur la paix de Dakar brandissait les solutions d’une paix durable en Afrique, une vidéo circule sur la toile. Le chef de la katiba d’Ançar Dine du Macina, Amadou Kouffa, sort de son mutisme. Une sortie symbolique et alerte.
Depuis mars 2017, date de la création du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim), l’un des chefs de la branche armée de l’Aqmi au Sahel n’a pipé mot sur l’évolution de l’organisation djihadiste.
Correspondance ou pas, le Forum international de Dakar porte sa communication. Est-ce une volonté de Zallaqa, le bras médiatique de ce groupe ? Cette vidéo de 11 minutes et 55 secondes nourrit bien des craintes.
Les dernières déclarations de Kouffa, adressées à la communauté peule, se faisaient surtout via le réseau social WhatsApp. Le djihadiste n’a jamais pris la parole ni dans un audio ou une vidéo.
Entouré de Iyad Ag Ghali et de l’Algérien Yahia Abou Hammam, émir de l’Aqmi au Sahel, le combattant ne semble pas être foudroyé par la pression militaire offensive Barkhane.
Un islam radical offensif sur le média social, tire sur les acquis des confréries et reste une menace pour la consolidation de la fraternité musulmane.
Le Sénégal reste un fidèle allié militaire de la France, mais aussi des Etats-Unis. Cette prise de position courageuse de la République laïque crée un énorme fossé entre ceux qui tirent sur l’Occident et le pointent comme un ennemi de l’islam. Ces groupes malheureusement se diversifient et haussent le ton dans les médias libres, souvent gagnant à l’applaudimètre chez les franges les plus jeunes.
Dans un pays où le soufisme, très ancré en Afrique de l’Ouest, est majoritaire, ces groupes doivent être suivis de près et il faut arrêter toute idée d’apologie et de propagande à l’intolérance religieuse.
Aujourd’hui, des groupes organisés de courants religieux islamiques critiquent l’héritage des maîtres soufis, jusqu’ à favoriser une virulence sans précédent sur l’héritage des familles soufies. Et tout se passe sur le réseau social. La sortie du porte-parole de Touba lors du grand Magal est suffisante pour susciter l’alerte.
Aujourd’hui, dans plusieurs grandes villes du pays, des mosquées sont financées par des fonds étrangers et abritent souvent des imams aux prêches radicaux, tirant à boulets rouges sur l’héritage soufi et le bon vivre ensemble du pays de la téranga.
Le fondamentalisme religieux peut bien créer des passerelles entre ces milieux radicaux et les mouvances djihadistes.
Des frontières poreuses à la libre circulation, favorisant une promiscuité enivrante et une pauvreté galopante en milieu rural et semi urbain.
Héritage des colonisations, les frontières du pays de la téranga sont parfois de simples mirages dans le désert. Un grand défi de sécurisation se pose pour empêcher toute infiltration depuis le sahel militarisé, bastion de groupuscules djihadistes. La Libre circulation des biens et des personnes dans l’espace Cedeao posera un réel souci. Aujourd’hui, plusieurs enfants mendiants et jeunes issus des pays en crise jettent leurs baluchons au pays de la téranga.
L’influence des prêcheurs fondamentalistes et de l’islam radical reste plus forte dans les zones frontalières du Sénégal qu’au centre. Le centre du pays, majoritairement wolof, est dans la grande majorité acquis aux confréries soufies.
La liberté de culte garantie par la Constitution sénégalaise doit bannir toute idée de représailles et d’interdictions unidirectionnelles à l’encontre des milieux fondamentalistes, mais n’exclut pas l’intervention de l’Etat pour interdire tout dérapage dans le discours à l’encontre des confréries soufies du Sénégal et de leurs guides.
Lutter contre les antipodes de la paix et accentuer les efforts sur le soutien à l’éducation religieuse pour stopper la propagande djihadiste ethnique.
Aujourd’hui, l’argument religieux est devenu un simple et dangereux prétexte, englobant bien souvent d’autres causes politiques, économiques, ethniques pour faire l’apologie du jihad.
Exhibé avec une certaine religiosité, le convoi d’enfants et adolescents dans la capitale sénégalaise pour étudier dans des «daaras-business» est à décrier. Beaucoup de ces enfants ignorent les langues locales et sont pour la plupart objet d’abus et de tortures. Cette situation est une véritable niche pour les courants djihadistes qui utilisent leurs sorts pour les convoyer vers le «salut».
La situation est alarmante pour plus 60 mille enfants talibés répartis dans des milliers de «daaras» à Dakar, selon la cartographie des écoles coraniques de Dakar.
Cette situation extrêmement grave est devenue une banalité déconcertante, bafouant les droits fondamentaux les plus élémentaires de cette frange jeune.
Ce «business religieux», toujours combattu sans succès, peut bien être une occasion dorée pour les recruteurs djihadistes si l’Etat brille toujours par son absence à trouver une solution pérenne et concertée avec les acteurs de l’éducation religieuse.
Assane NIANG – Journaliste
Expert en Communication et Relations publiques
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