Contexte
Depuis un certain temps, l’Assemblée du Sénégal est secouée par une crise sans précédent. Des députés, très honorables députés, sont cités dans une sordide et nébuleuse affaire de trafic de passeports diplomatiques. Ainsi la réputée chambre de vote, de propositions de lois et surtout de contrôle de l’action de l’exécutif, se trouve encore plus écornée que d’habitude. La réputation de la chambre parlementaire et surtout de celle des sénégalaises et des sénégalais qui l’incarnent est gravement entachée. Une situation qui a servi de prétexte au mouvement citoyen Kumpital Fuuta de se pencher sur cette question de l’Assemblée nationale à travers un débat ouvert sur son groupe Whatsapp. La pertinence des échanges a conduit le mouvement citoyen Kumpital Fuuta à produire ce document
Considérations générales
Une anecdote banale a servi à plusieurs intervenants de présenter le député sénégalais depuis l’indépendance de ce pays. Un Khalife Général d’une confrérie très réputée aurait demandé au Président SENGHOR de prendre un proche sur la liste des députés. Le fin et très intellectuel Président aurait répondu en Wolof « ki menul jang » (il est analphabète). A cette réponse, le khalife aurait rétorqué » menn a taccu » (Il sait applaudir). Il est d’ailleurs courant de lire ou d’entendre cette chambre présentée comme celle : d’applaudissements et d’enregistrements Au-delà de ce qui est anecdotique, rappelons que le pouvoir législatif incarné par l’Assemblée nationale est un des trois piliers d’une République démocratique avec le pouvoir exécutif et celui judiciaire. A ce titre, le député permet de garantir l’équilibre de la République et de contrôler au nom du peuple qui l’a élu toute action gouvernementale pour que soit effectif le gouvernement du peuple pour le peuple par le peuple. L’ineffectivité de ce pouvoir met à mal la bonne gouvernance et fait subir au peuple les caprices de l’exécutif en face duquel le législatif ne devrait fléchir.
Le citoyen sénégalais a consenti à élire 165 honorables députés ; Le citoyen sénégalais a consenti à lui donner un salaire de un à deux millions de francs. Le citoyen sénégalais a consenti à lui octroyer un véhicule et du carburant. Le citoyen sénégalais a consenti à le loger dans un hôtel. Le citoyen sénégalais a consenti à lui procurer une immunité parlementaire. Que de privilèges, que de sacrifices consentis pour permettre à l’honorable député de mener à bien son rôle de parlementaire. Et pourtant Tous ces efforts de rendre le député libre donneraient à peine le résultat escompté. De l’honorabilité à la médiocrité, il n’y aurait alors qu’un pas. Alors se pose la question cruciale du pourquoi ? La réponse à cette question pourrait bien se trouver dans l’analyse des éléments suivants.
Le profil :
Aujourd’hui, il peut paraitre difficile de classer les députés qui siègent à l’Assemblée nationale par un profilage auquel répondraient plus de 80% des parlementaires. Ils sont sénégalais et viennent de formations politiques seraient de toute évidence des critères que tous réuniraient. Voilà deux critères que réunissent 16 millions de sénégalais tous militants ou sympathisants d’un parti politique ou d’un mouvement citoyen. Pouvons-nous tous remplir effectivement cette fonction de parlementaire, à ce juste titre ? La réponse serait certainement bien négative. Chaque période d’investiture est une période de séisme interne à toutes les formations. Tout simplement parce qu’il n’y aurait aucune règle, aucun critère pour choisir un candidat parmi tous les prétendants. Cela illustre fort le manque de rigueur des partis dans le choix des candidats qu’ils vont proposer aux électeurs. Le seul critère est bien celui du bon vouloir du chef de parti. Retranché dans son salon, il serait celui qui décide de qui sera ou ne sera pas sur une liste. Le jeu est tellement faux que les listes sont souvent déposées à quelques minutes de la clôture officielle du dépôt de celles-ci. A la place de la compétence, de l’aptitude et du mérite, le clientélisme et les affinités s’installent.
Le mode d’élection :
Au Sénégal, les parlementaires sont élus sur deux listes : une liste proportionnelle et une liste majoritaire. Pour la liste proportionnelle, les partis se partagent équitablement un quota de députés selon le score obtenu. Sur la liste majoritaire qui concerne la circonscription, le parti arrivé en tête dans les urnes raflent tous les députés mis en jeu quel que soit son score. Les résultats ont montré que c’est toujours la minorité qui gouverne la majorité. Pour illustrer le propos, nous allons nous référer aux dernières législatives. En effet avec moins de 50% du chiffrage exprimé au niveau national, la coalition au pouvoir s’est retrouvée avec plus 80% des députés.
Capacitation
Dans toute entreprise humaine où des ressources interagissent, il y a toujours cet impératif de capacitation afin de doter aux acteurs la formation requise pour mener à bon port leur entreprise. L’Assemblée nationale, surement, ne devrait pas faire exception à cette règle. Mais quand on suit au quotidien les activités, cette capacitation serait tout simplement le parent pauvre dans les priorités de la chambre parlementaire. Recommandations Nous appelons le gouvernement du Sénégal à instaurer un mode d’élection qui garantit que la majorité gouverne la minorité. A ce titre, il serait souhaitable de voir l’introduction d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans toutes les circonscriptions. Le député est élu au suffrage universel direct au suffrage uninominal majoritaire à deux tours. Pour être élu, dès le premier tour, il doit obtenir la majorité absolue, c’est-à-dire plus de la moitié des suffrages exprimés. Si aucun candidat n’y parvient, il y a lieu de procéder à un second de scrutin auquel ne peuvent participer que les candidats ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrage au moins égal à 12.5% des électeurs inscrits. Pour être élu au second tour, la majorité relative suffirait. A supprimer cette liste nationale ou la réduire davantage pour que les populations elles-mêmes élisent les députés de leur choix dans leur localité respective.
A revoir le mode d’émoluments des députés afin que l’argent ne soit plus le seul intérêt pour concourir à la députation en introduisant jetons de présence. Le député doit être irréprochable du point de vue de sa moralité et de ses qualités humaines et techniques, de ses compétences personnelles et professionnelles. Il doit avoir des convictions solides et un réel ancrage territorial au sein de la circonscription briguée. Le député doit également avoir le sens du devoir, une haute estime de la nation et une envie farouche de faire évoluer le cadre législatif pour améliorer le quotidien de ses administrés. A revoir aussi les missions du député. L’action du député ne se limiterait pas seulement à voter des propositions de lois, il devrait aussi participer à l’élaboration du travail législatif et au contrôle effectif de l’action gouvernementale. Son action serait aussi de déposer des propositions de lois, de soutenir ou non les projets de lois soumis par le Gouvernement, de proposer des amendements visant à faire des modifications sur le ou les textes examiné(s) au besoin.
Rencontrer les administrés de sa circonscription et défendre leurs intérêts au niveau national. Nous appelons ainsi tous les leaders politiques de ce pays qui aspirent à briguer la magistrature suprême de prendre solennellement des engagements sur la question devant le peuple sénégalais. Nous appelons aussi la société civile et tous les mouvements citoyens à faire pression sur l’élite politique pour exiger ce débat qui mènera aux réformes. Enfin nous appelons tous les intellectuels de ce pays à instaurer un débat profond sur cette question afin d’en explorer les pistes les plus prometteuses
Kumpital Fuuta,
Le Président, Ousmane SY