Invitée de l’émission « Opinion » du dimanche 12 avril 2015, Madame Aïda Mbodj dit au journaliste Pierre-Édouard Faye:
Contributions de Bathie Ngoye THIAM
Le journal « Le Témoin » avait annoncé qu’entre 1500 et 2000 soldats sénégalais étaient prêts à être envoyés au Yémen. Dans son entretien avec trois groupes de presse qu’il qualifie d’ « échantillon très représentatif de la presse nationale »
Pendant un trop long moment, le président de la République a laissé certains de ses proches dont le porte-parole du gouvernement préparer les Sénégalais au non respect de ses engagements.
Chose rare au Sénégal, beaucoup de musulmans en colère se font entendre pour défendre non pas leurs marabouts, mais le Coran et le prophète Muhammad (Psl). Contre qui ? Le professeur Oumar Sankharé, auteur d’un livre qualifié de blasphématoire avant même d’être lu : « Le Coran et la culture grecque ».
Sidi Lamine Niasse a été deux fois convoqué et relâché. Si la décision ne vient pas du pouvoir exécutif, la Justice a bien fait son travail. Mais, nous rappelle Mandiaye Gaye, « les propos du jeune Bara Gaye étaient beaucoup moins grave et pourtant celui-ci a été arrêté et mis en prison pendant six mois ». Il y a évidemment une justice à deux vitesses. Par ailleurs, si l’on devait arrêter, pour offense au président de la République, tous ceux qui se demandent d’où vient la fortune de Macky Sall, les rues du Sénégal seraient désertes. Cette question, on ne peut l’occulter, ce qui nous fait penser à « la traque des biens mal acquis ».
Ce qui se passe au nord du Mali fait couler beaucoup d’encre et de salive au Sénégal. Après les devins hyper médiatisés et leurs effroyables prédictions, c’est aux spécialistes de l’islamisme de faire monter l’adrénaline. Le danger est à nos portes, s’alarme-t-on alors qu’il n’en est rien. Au Mali, des séparatistes et des « islamistes » ont atteint leur but parce que l’armée républicaine, occupée à prendre le pouvoir dans le reste du pays, les a laissés faire. Rien d’autre. Cela n’est pas envisageable au Sénégal et nous le savons tous. Par contre, de plus en plus de Sénégalais désertent nos confréries, pour se qualifier de musulmans tout court, d’« Ibaadu Raxmaan » ou autres, parce qu’ils n’y retrouvent plus l’Islam qu’ils recherchent, l’Islam du Prophète (Psl), la voie droite et claire. Il est compréhensible que cela inquiète quelques dignitaires religieux.
Touba, qui « tire son origine des profondeurs mystiques du Saint Coran et de la tradition prophétique », a un statut particulier dans le « saayir » comme dans le « baatin ». Touba signifie « Le Grand Bien ». Touba est aussi un arbre dans le jardin paradisiaque. Allah l’y a planté de Sa Main.
Mbokki taalibe yi (chers condisciples), l’heure est grave. Nos marabouts sont de plus en plus désacralisés. Des égarés croient qu’ils peuvent se passer d’eux tout en restant musulmans. Ils veulent se suffire de Dieu, du Prophète (Psl) et de leurs recommandations, programmant ainsi la fin de nos dynasties confrériques. Ils vont jusqu’à penser que nos marabouts sont des citoyens comme nous, alors que nos grands-pères, comparés aux leurs, n’étaient que de petits types, pour ne pas dire de viles créatures.
30 novembre 2009, la « Cellule de communication du khalife général des mourides » avait rédigé un texte fort médiatisé pour mettre en garde ceux qui disent du mal de leur confrérie. Ne feraient-ils pas mieux de balayer d’abord devant leur porte ?
Il y a certes à la radio, surtout en période de ramadan, beaucoup d’émissions de qualité sur l’islam et les devoirs du musulman. Des érudits nous informent. On leur pose des questions et ils répondent. Mais les musulmans du Sénégal ont la particularité d’être des « taalibe », du moins pour la plupart. Là, il y a une criante carence d’informations, et on nous laisse croire, dire et faire ce que nous voulons. Est-ce que ceux qui savent ont le droit de nous lâcher dans les ténèbres de l’ignorance ? Qu’y a-t-il de tabou à dire la vérité, surtout quand il s’agit de religion ? N’est-il pas dit : « Cherchez la science, fût-ce jusqu’en Chine, car la poursuite de la science est un devoir pour chaque musulman. » ?
Je suis croyant et mouride. Mon père fut même représentant d’un khalife général. Et mon grand-père était très proche des marabouts.
Nous avons remarqué les efforts, ô combien méritoires, que nos dirigeants et médias font pour revaloriser nos langues nationales. Que pouvons-nous dire sinon « Bravo ! » ? Mais est-ce que nos chanteurs en font autant ?
J’ai lu avec intérêt une contribution parue dans « Le Soleil ». Titre : « Révolution de la médecine ou publicité mensongère ? » Signée : Cheikh Bamba Dioum.
Qu’on l’accepte ou pas, le surnaturel fait partie de notre quotidien. De nos ancêtres à nos descendants, certaines croyances et pratiques ont rythmé et rythment encore notre mode de vie.
Le phénomène Cheikh Béthio mérite une attention particulière. Les curiosités sont innombrables, et le tout au nom de Serigne Saliou Mbacké – Que Dieu soit satisfait de lui ! Nous ne regardons pas les défauts des autres, alors que nous en avons autant voire bien plus. Nous nous demandons seulement si nous sommes toujours dans l’Islam. Quand ceux qui sont censés nous mettre sur le droit chemin, nous donnent l’impression de nous égarer, n’est-il pas normal de s’alarmer ? Ne jouons pas à nous voiler la face, pour accuser de « yeekatu fitna » (semeurs de trouble) et de non « mándu » ceux qui tentent d’attirer notre attention sur des dangers qui nous guettent. Pour sauvegarder la cohésion de la communauté mouride, ne mettons pas un fils de Serigne Touba au-dessus des autres et n’apportons pas des innovations douteuses dans la voie tracée par Khadimoul Rassoul.
Nous sommes certes des ignorants et c’est pourquoi nous prions Dieu de nous guider. Nous qui ne connaissons pas les secrets de « La illaha illa’llah », comment nous convaincre que ce que nous voyons, n’est pas la réalité, mais un voile qui nous en sépare ? Comment pouvons-nous entrer, le cœur en paix, dans ce qui, à nos yeux, est aux antipodes de l’Islam ? Le Coran, notre référence, ne dit-il pas : « C’est Lui (Allah) qui fait descendre sur Son serviteur (Muhammad) des versets claires, afin qu’il vous fasse sortir des ténèbres à la lumière… » ? (57 : 9) « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre. Il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à diverses interprétations. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah » (3 : 7). « Et quand on leur dit : « Croyez comme les gens ont cru », ils disent : « Croirons-nous comme ont cru les faibles d’esprit ? » Certes, ce sont eux les véritables faibles d’esprit, mais ils ne le savent pas. » (2 : 13.)
Depuis un certain temps, on entend des commerçants sénégalais crier qu’il faut expulser les Chinois, sous prétexte qu’ils leur font une « concurrence déloyale », au lieu de se demander pourquoi ces Asiatiques font de meilleures affaires. C’est mieux de chercher à corriger ses tares que d’accuser autrui du mal qu’on se fait soi-même. Examinons nos plaies et soignons-les. Les Chinois n’y sont pour rien. Pendant des décennies, les Libanais et les Mauritaniens ont dominé notre commerce, et personne ne parlait d’expulsion. On n’y pensait même pas.
Avec Cheikh Béthio, nous ne serons jamais au bout de nos surprises. L’ébahissement était à son comble, la semaine passée, quand le chef des thiantakones défrayait encore la chronique, suite à une rocambolesque histoire. Il se serait débarrassé d’un de ses « taalibe » à la dévotion excessive, qui le tenait pour Dieu. Si tels sont les faits, le Cheikh a bien fait car nul ne doit être comparé au Seigneur. Mais s’il continue dans cette lancée, il risque de se retrouver tout seul, presque tous ses disciples clamant qu’il est Dieu. Il devra aussi se débarrasser de lui-même, lui qui crie sur les toits que Serigne Saliou est Allah.
Au nom de quoi donne-t-on aux marabouts et autres dignitaires religieux l’argent des contribuables sans demander leur avis ? Nos dirigeants font comme si les caisses qui leur sont confiées leur appartenaient. Les Sénégalais n’ont élu personne, ni maire ni président, encore moins fils de président, pour qu’il distribue leurs sous à d’autres citoyens.
Le développement, dans quelque domaine que ce soit, ne peut se faire sans un changement de mentalité, un éveil de conscience des masses populaires maintenues dans l’ignorance et la naïveté.