« Si le Sénégal avait une bombe nucléaire, nos journalistes en dévoileraient le code », a dit Daouda Sow depuis Stockholm.
Contributions de Birame waltako NDIAYE
La société civile sénégalaise doit se démarquer de l’action politique non pas pour s’en éloigner, mais pour exercer principalement son rôle de meneuse de l’action sociale non-étatique. L’étroitesse de son champ d’action dans le domaine du pouvoir politique entraine la conversion fréquente de ses membres en hommes politiques. Ce n’est pas tant le passage au pouvoir public qui dérange que le flou entretenu par les acteurs. En se réclamant de la société civile tout en affairant en politique, ils décrédibilisent à la longue les visées de vigie et de veille.
Pour une rupture de rêve, pour le rêve de voir disparaitre les dépravations, les démesures et le désordre dans le pays, il nous est demandé de la rigueur, du renoncement et parfois même de l’austérité. Le meeting ruineux à Agnam Sivol, les nominations coûteuses et les douteux marchés de gré à gré grignotent sans cesse les garanties de gestion sobre et vertueuse. De notre Imam en chef, Seydi Macky, et de ses vizirs, nous attendons marques et modèles comme prix de notre volontarisme, premier pilier de l’émergence.
À la suite de la destruction des panneaux publicitaires par la Mairie de Sicap/Mermoz, Sacré cœur, le maire de la commune se targue d’un devoir accompli au motif que ses agissements rentrent légalement dans ses attributions. Ce qu’il ne précise pas c’est que le reproche qui lui est fait concerne surtout la force déployée sur le bien d’autrui. Pas question de se laisser embobiner dans la facilité des excuses habituelles d’acharnement politico-judiciaire ou de complot d’État, Barthélémy Dias est allé trop loin.
À la différence des autres chefs de parti, Idrisa Seck est le seul dans l’opposition qui soit contesté à l’intérieur de sa famille politique pour s’être tenu loin du pouvoir et de ses faveurs. Les autres sont critiqués pour tout le contraire : s’être cramponnés sur Macky Sall pour jouir dans l’intimité de leurs seuls intérêts. En clair, les détracteurs du patron de Rewmi lui reprochent un manque de démocratie interne. En vérité, ils réalisent avoir trop à attendre loin des guichets automatiques du régime pendant que la classe politique, de la gauche à la droite libérale transhumante, bougonne mais s’empiffre de privilèges et de planques.
Le maire Talla Sylla a pris nos mains pendant que, tout allégés du poids et de la rudesse des baroudeurs; il nous a fait sillonner la rue sans soleil encapuchonnée d’acacia albida, foudroyante de pénombre et de bien-être. Le voilà acquéreur inébranlable d’un pleurant possédé de souvenirs de militant, Talla Sylla séduit Montréal d’un équilibre nouveau entre respect de la souveraineté populaire et nécessité de prolonger d’autorité l’intérêt public. D’un amour limpide de sa vile et des thiessois, l’engagement politique est devenu manifestation d’un attachement à la vie et au destin d’un terroir. Talla, à l’épreuve du pouvoir, est resté constant, il a juste changé de trajectoire, il s’objecte, il revendique, mais en plus, il offre.
Faites signe quand vous trouverez la manière pour une société de se développer, d’empiler biens et bonus sans perdre son âme. À mesure que les activités économiques changent de nature et d’affluence, les liens sociaux se contractent, ne laissant de la place qu’aux futilités, frivolités et afflictions sur l’étendue des valeurs dépravées par inconvenance. Rationalisation par-ci, résolution par-là, la course au développement, effort d’adaptation au mode de vie occidental, terrifie de sa réduction des personnes en figure de producteur ou de consommateur. La classe politique sénégalaise y adhère gaiement faute d’ambition et d’authenticité.
Plus le régime de Macky Sall s’élance plus il s’illustre pâle et boiteux parce qu’il perpétue le schéma de ses prédécesseurs alors que ses adversaires ne lui opposent que des arguments terre-à-terre. Ceux qui soutiennent que les sénégalais n’ont que les dirigeants qu’ils méritent sont les mêmes qui répètent à tue-tête que le peuple est rendu mature. L’évènementiel politicien s’est substitué à la pleine approche des enjeux jusqu’à noyer tout effort de diagnostic de la crise, toute volonté de formulation des solutions alternatives.
Dans une récente sortie, Tounkara dénonce une loterie prisée de plus en plus par des mineurs, le pari sportif, en alertant sur les conséquences nuisibles de l’appât du gain facile. Ce n’est pas tant le contenu de son discours que l’agencement de sa pensée qui vient nous chercher, nous provoquer et, mieux, nous convaincre de sa force de persuasion. Il ne se complait pas dans la rhétorique habituelle de mollah pour faire peur et prédire la pénitence; il s’appuie sur des faits et gestes avant d’apprécier raisonnablement l’impact du phénomène sur les équilibres sociaux.
Pour ou contre la guerre au Yémen? Encore là, la défense des lieux saints, servie pour toucher les fidèles et la contestation de l’envoi des soldats sénégalais obéissent à la même logique de subordination aux seules sensibilités émotives. L’obligation de moyens qu’endossent les gouvernants, la confidentialité qui doit accompagner leurs actes de puissance publique ainsi que leur niveau élevé d’information exigent de l’opinion publique un sens prononcé de la mesure. Hélas! Notre conception populiste de la démocratie banalise les responsabilités institutionnelles en assimilant le droit de regard citoyen à un brusque nivellement par le bas.
La question qui fâche, celle de notre propension à faire des enfants éperdument, nous est opposée dans l’élan technocratique, presque consensuel, d’émergence économique. Elle pointe le doigt sur la forte croissance démographique en Afrique, sur la part démesurée des budgets allouée à la santé, à l’éducation et à l’insertion des jeunes. À chaque fois que l’immigration clandestine fait des vagues, les esprits les plus tordus projettent, puis refoulent par pudeur, l’idée qui veut que les naufragés constituent des bouches de moins à nourrir, des voix plaintives en moins.
À qui mieux-mieux! Enseignants, magistrats et fonctionnaires de tout acabit se déchaînent en doléances et en réclames. La demande sociale prétendument nationale a fini par noyer la légitime aspiration au bien-être des sans-voix ; elle témoigne de l’abus des plus nantis, infime minorité des sénégalais. Sous couverts des syndicats, de l’activisme politique et de la douteuse société civile, les citadins se sont emparés du terrain des récriminations et des revendications. En cela, Macky Sall a raison de plaider justice sociale et égalité entre enseignants pleurnichards et campagnards reniés et résignés.
Pas nécessairement se compromettre à moins que ce soit nécessaire. Les africains semblent marmonner ce refrain débilitant, du fond des gouffres afin d’émerger. Ne savent-ils pas que cette résignation et ce don de soi ne sont pas conditions d’envol économique, mais effets de servitude? Ils font suite à la promotion et à la férocité des plus nantis. En réalité, le citoyen modèle, rampe de lancement au développement, n’est que mythe. Il est simple produit dressé par le capitalisme triomphant qui est parvenu à tasser toute valeur ainsi que toute autre motivation si ce n’est l’appât du gain. Les noirs africains, pris au piège, s’y débattent en désespoir de cause.
L’Afrique est engluée dans le marasme économique sans toutefois oser s’émanciper des goulots d’étranglement. Les institutions financières internationales font croire que la productivité est la mesure du progrès social et, que c’est à leur image que les africains parviendront au salut et à la béatitude. Nous y croyons tels des automates au point de nous projeter euphoriques dans l’émergence et dans la mondialisation des critères d’éclat. Que nenni! « L’occident n’a théorisé l’universel que pour se prévaloir d’une supériorité particulière ».
Le Fonds national de Retraites (FNR) couvre les pensions de fonctionnaires civils et militaires. Il s’agit d’un fonds spécial du Trésor dont la gestion administrative est assurée par la Direction de la Solde, des Pensions et Rentes Viagères. Rien à voir avec l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES) qui couvre les employés du secteur privé, les agents non fonctionnaires de l’État et les employés des administrations locales. La situation financière du FNR est très préoccupante alors que l’IPRES totalise des arriérés de cotisation énormes de la part des sociétés parapubliques et privées dont certaines sont déjà liquidées.
Le cours des évènements sur l’affaire dite des biens supposés mal acquis a fini par mobiliser toute l’attention sur le fils d’Abdoulaye Wade. Faut-il rappeler que la motivation initiale découlait d’une forte aspiration à une bonne gouvernance, rupture souhaitée et promue au laxisme connu dans la gestion des deniers publics? Maintenant que nous voilà engagés dans des poursuites, à bout de souffle sur la ligne d’arrivée, nous voilà perdus dans une confusion, suspendus entre nos promesses d’appui aux efforts de transparence et nos constats refoulés des partis pris. Difficile de distinguer, à présent, la portée des poursuites sur les institutions de la traque des monarques déchus.
Sur les traces d’un pensionnaire de cette contrée, aliéné, fou de la vie de paumé, fou des contradictions nées de la condition de quidam sollicité de par le monde. Il se dit musulman ; il parle le langage des sauvages capitalistes ; il se conduit tout à fait en possédé, prêt à prier son Dieu et disposé à massacrer les plus fragiles. Seikh Ndiaye, de son nom d’indigène, comme n’importe qui dans ce pays, capable d’endurances et de duplicités, il se cherche. Il a tenté l’idéal d’assimilé, il a ensuite accepté la réalité d’obligé, le voilà tout révolté contre l’oppresseur mutant et intraitable à chaque fois. Seikh Ndiaye est fou, non pas de solitude ou de peine, mais de rivalité et d’enchère des valeurs inhabituelles.
Depuis les indépendances, les plans et prospectives économiques ne produisent que des effets narcotiques d’un avenir toujours possible. Ce n’est pas faute de bonne volonté, le refrain lancinant sur les échanges et sur sa majesté le capital s’est soldé en arnaques et en vices cachés. Il manque d’originalité et d’audace pour s’inscrire, comme toujours, dans une logique de réplique et de tapage. En plus de constituer gage et moyen d’accaparement des débouchées et du marché sénégalais par des puissances étrangères, il freine tout élan de développement durable.
Les sénégalais comprennent à coup sûr toute la portée de la violence dans l’espace politique. Nous y voyons tous les signes qui démontrent la nécessité d’une mutation de notre société. Elle doit comporter la participation plus effective de chacun à la marche et au résultat de l’activité qui le concerne directement. Le devoir de l’État est d’assurer l’ordre public et la paix intérieure avant tout. Ensuite, il y a des structures à modifier et des réformes à entreprendre. Dans l’immense transformation politique, économique et sociale que le Sénégal a accomplie, beaucoup d’obstacles ont déjà été franchis.
Parlant de Macky Sall, président de la République, pour le dénigrer, Abdoulaye Wade soutient sous les rires de l’auditoire qu’il est un descendant d’esclaves. « On serait dans d’autres situations, je l’aurai vendu en tant qu’esclave », poursuit-il. Pas seulement les illettrés, pas seulement les ménagères, même le réputé promoteur de la démocratie et de l’égalité fait pattes de velours le temps de s’imposer louable et majestueux plus que tout. Jusque dans les commentaires des internautes sénégalais, les lâches insinuations sur les castes et patronymes, révèlent l’ampleur des préjugés bien ancrés.