L’idée que la démocratie est le régime le meilleur pour gouverner les hommes est bien ancienne. Le modèle démocratique existait déjà chez les grecs de l’antiquité : à l’occasion de grandes assemblées on réunissait le peuple pour délibérer et décider de la bonne marche des choses. Du grec Démos (peuple) et kratos (pouvoir), elle renvoie au « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », selon la fameuse expression du président Abraham Lincoln. Spinoza, comme Rousseau, considérait la démocratie comme le régime le plus naturel, celui qui répond le mieux à l’aspiration de paix, de sécurité et de liberté des hommes.
Cet espoir est fondé sur le fait que la démocratie fait de la souveraineté populaire la seule forme possible de légitimité : le peuple est consulté et les lois sont l’expression de la volonté générale, celle qui prend en compte l’intérêt général. Rousseau, théoricien de la démocratie moderne, rappelait que dans un tel régime, la liberté reste garantie, surtout que « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ».
Seulement, il est important de rappeler que la démocratie n’est pas sans contradiction. Comme toute création ou invention humaine, elle est à l’image, souvent, de ce que les hommes en font. Alexis Tocqueville a eu à souligner l’une des contradictions internes lorsqu’il notait le paradoxe de vouloir être dirigé tout en voulant rester libre.
En effet, Tocqueville s’inquiétait de l’avenir des libertés individuelles dans les sociétés démocratiques : si les hommes acceptent, au nom de la raison, les principes démocratiques, on leur impose « une servitude réglée douce et paisible ».
Il y a, ainsi, les risques « d’un despotisme démocratique », « d’une tyrannie de la majorité » car la démocratie semble vouée à produire une pensée de masse dans laquelle chacun croira retrouver sa propre pensée.
Peut être que la démocratie est un idéal : Rousseau, lui-même, rappelait qu’un mode de gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes : s’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Et même chez les grecs, il n’y avait pas de véritable démocratie puisque les hommes et les femmes n’étaient pas convoqués aux assemblées du peuple.
Ce que nous pouvons tous constater c’est que les principes démocratiques ne s’appliquent pas partout (l’occident au nom des guerres menées contre le terrorisme a voulu imposer le modèle démocratique dans les territoires conquis dont l’Irak, ce qui s’est soldé par un échec ; en Afrique, la démocratie apparaît comme un luxe pour paraphraser l’ancien président français Jacques Chirac). Il a sûrement voulu dire que la démocratie est une construction historique et qu’on doit s’appuyer sur la capacité d’adaptation des membres de la société, laquelle dépend de conditions dont l’instruction des masses : on ne pratique pas la démocratie de la même manière selon qu’il y a 5% ou 80% de bacheliers dans la population.
Les principes sont, souvent même, foulés au pied dans les pays occidentaux, malgré leur niveau de développement et d’instruction, où il y a une régression démocratique(1995) pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Alain Gérard SLAMA.
Une régression qui est le résultat de séries de ruptures, pense-t-il, entre le citoyen et l’État ; entre l’individu et la politique, entre l’égalité et la liberté, entre l’État et la république.
La démocratie est sans aucun doute le meilleur des régimes et celle représentative, quoiqu’en pense Rousseau, la seule dont nous disposons pour notre organisation. Mais elle peut bien mourir de ses excès : les démocraties se corrompent soit par l’exagération soit par la négation de leurs principes, pensait Raymond Aron.
C’est la conviction, d’ailleurs, de Dominique Schnapper lorsqu’elle précise, dans son ouvrage L’Esprit Démocratique des Lois(2014), que les institutions constituent le cœur de nos démocraties, un cœur vivant, fragile, hasardeux, comme les hommes ; si nous cessons de leur faire confiance, nous mettons en danger la démocratie.
La critique est, certes, nécessaire en ce qu’elle manifeste la liberté politique, mais une démocratie ne vit, rappelle la sociologue qui a siégé au conseil constitutionnel français jusqu’en 2010, que grâce à la confiance de ses membres. C’est la confiance entre individus qui crée le social, et le respect des institutions qui permet l’exercice de la démocratie.
Ces ruptures justifient, sans aucun doute, les manifestations et mouvements d’humeurs des populations contre leurs États. Mais la violence ne saurait être la solution : la solution n’est pas celle anarchique qui prône la disparition de toute autorité, « ni Dieu, ni Maître » pour reprendre les propos de Jean grave.
Même si l’Etat apparaît comme « un montre froid », selon l’expression Nietzschéenne, un « immense cimetière où viennent s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle … » pour paraphraser Bakounine, un appareil de domination au service de la classe dominante, selon les marxistes, mieux vaut un Etat que pas du tout d’État.
Puisqu’on ne peut pas se passer de l’Etat qui apparait comme un mal nécessaire, il appartient aux populations de veiller jalousement sur leurs libertés, d’être exigeants vis-à-vis de leurs dirigeants, d’être vigilants, bref d’assumer leur citoyenneté. Tout homme qui a le pouvoir a tendance à en abuser, pensait Montesquieu, il faut alors mettre en place des contre-pouvoirs dont une presse libre, une opposition républicaine, une société civile engagée, des intellectuels au service de la république.
Ces exigences sont nécessaires pour la mise en place d’un État de droit, un type d’État dont les pouvoirs sont limités par le droit, d’une république (du latin res publica la chose publique) où le pouvoir n’est jamais le fait d’un seul homme, et dans lequel la charge de chef de l’État, par exemple, n’est pas héréditaire. .
Bira sall. Quartier Ndoutt Tivaouane.sallbira@yahoo.fr
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