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La Culture, De Leopold à Macky

Le Sénégal est une plateforme de cultures et de civilisations dont les piliers sont ethniques, religieux et coutumiers. Rien que pour cette évidence, il est impérieux d’accorder à la Culture l’importance qu’elle mérite, d’en faire le vecteur, sinon l’un des leviers essentiels de paix sociale à conforter, à consolider, et de financement de l’économie nationale. Senghor eut le génie et assez de générosité pour nous en convaincre et nous convertir à l’ancrage en nos valeurs, tout autant au devoir de nous ouvrir « à l’autre». Ainsi, au long de son magistère, le Sénégal s’assembla à un ample et permanent auditoire de leçons et dialogues fécondants, d’où les libertés de création tout autant d’expression (même en n’étant pas tout à fait gouvernantes) existaient.

Un tel état de fait aura permis, non seulement d’enrichir et de vulgariser (avec les moyens disponibles) nos patrimoines et sensations littéraires et artistiques, mais, aussi, de favoriser le développement harmonieux d’une nation dont la chance primale est d’être, avant tout, un peuple de plus de 13 millions de cousins et de voisins : une société multiculturelle, c’est-à-dire constituée d’êtres et d’objets, de voix et de sites, aptes à susciter la créativité, l’émerveillement et l’émulation.

Même si l’inventaire du magistère de Senghor n’est toujours pas fait (et risque de ne l’être jamais car, avec sa mort physique, il a réussi à convaincre et à désarmer tous ses détracteurs), nous devons à la vérité de reconnaître que, sous Senghor, le Sénégal a bénéficié d’une immense aura, connu d’intenses ferveurs et de grandes avancées dans bien des segments artistiques. Et, ce, malgré la place relativement marginale de la Culture dans la gestion de l’Etat et, singulièrement, dans les préoccupations des femmes et hommes politiques.

Toutefois, il ne faut point trouver alibi, voire se réfugier, derrière des problèmes ou priorités économico-sociales d’Etat hautement soucieux d’émergence pour justifier une telle situation. Tout de même, Senghor nous laisse un évènement (le Festival des mondial arts nègres), deux hauts-lieux (le Théâtre Daniel Sorano et le Musée dynamique), une galerie (nationale d’art), un école de danse (Mudra Afrique), un viatique («la Culture est au début et à la fin du développement») galvaudé par et avec le Président Diouf «en gardiennage» de la Constitution, une cantatrice (Yandé Codou Sène), des poèmes «doux à l’oreille et au cœur»), des essais intemporels magnifiques et une diplomatie culturellement attrayante.

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Ainsi, on eût pensé, et à raison, que trop peu de choses manquèrent pour confondre «Son Sénégal» au «meilleur des mondes». Cela ne saurait nullement être dit, encore moins être espéré, du Sénégal sous Diouf. Il est navrant qu’en son tome premier de «Mémoires», le volet-Culture y soit volontairement occulté.Mais, on peut accorder à Diouf bien des préjugés favorables, comme autant de circonstances atténuantes : les ajustements structurels, le franc et ses diètes draconiennes, la sècheresse comme une endémie, des grognes de flics noyées dans du sang et des larmes, l’assassinat toujours non élucidé de «Mbaye Sèye » et des veuves et orphelins à perpète éplorés.

Et quoi, d’autre ? Mille et un aléas ! La vérité demeure que Diouf a tout hérité de Senghor sauf de l’essentiel, c’est-à-dire de l’instinct de promotion de la Culture «cultivée» et aux travers d’entreprises géniales d’actants. Au lieu de cela, Diouf a opté de ne concéder aux artistes-comédiens que des vocations de chauffeur de meetings, d’amuseur de galerie, d’animateur de salle(s) de «congrès sans débat» ou tout juste, pour lui, n’étaient-ils que «pour bercer ses repos». Il revient à Tanor, à Khalifa ou à Aïssata, demain, c’est-à-dire en 2017, de corriger la plus grosse bévue de «l’aîné des fils spirituels (?)» de «Léopold» : celle d’avoir transformé le Musée de la créativité dynamique en Cour de suprême régence pour magistrats et juges. Ousmane SowHuchard, et à raison, en est malheureux depuis le 20e siècle.

Tout de même, Diouf nous a laissé plein de «fous et folles du roi» et, pour les Lettres et les Arts, deux «grands prix» que tout membre un peu philanthrope du CNP, du CNES ou du Meds, tout opérateur économique même mal alphabétisé en français, n’importe quel joueur de PMU assez veinard, n’importe quelle ONG, n’importe quel chef de canton un peu mécène sur les bords, n’importe quelle association non anormale d’écrivains ou d’éditeurs, aurait pu initier et rendre pérennes.

Grâce soit à Dieu rendue que, sousWade, l’idée ne fut pas même agitée de re-lancer de telles «palmes» qui, enfait, ne furent que sources d’angoisses chez les lauréats et jurés assermentés ! Interrogez-les ! Et, alors, de la Culture sous Me Wade ? Au-delà de rendez-vous intellectuellement manqués (d’avec lui-même, d’abord), au-delà de chantiers grandioses – hélas – inachevés et de valses affreuses de ministres qui, tous, manquèrent de temps, de tact et de marges réelles de manœuvre, il ne paraît ni excessif ni exagéré d’avouer que le vrai ministre de la Culture sous Me Wade ce fut Me Wade lui-même ! Toutes les initiatives furent de son ressort et ne jaillirent que de sa bouillonnante ingéniosité. Il est aisé d’adhérer à ce constat qui, toutefois, ne terni ni l’affection filiale que j’entretiens à son égard ni ne dénie son statut «d’intellectuel droit debout» et d’acteur culturel plus qu’honorable.

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Car, Me Wade laisse à la Postérité et à l’Histoire, des œuvres splendides qui lui survivront : des routes et des autoroutes, un tunnel et une corniche fréquentable, la Place du Souvenir africain, le Monument de la Renaissance, le Grand Théâtre national «Aimé Césaire» (et pourquoi pas ?) premier élément d’un Parc culturel que le Président Sall gagnerait à terminer, non pas qu’au nom de cette fumisterie qu’est la continuité de l’Etat, mais, plutôt, pour des raisons hautement symboliques. Et, alors, de la Culture sous Sall ? Hélas, il ne s’y passe toujours pas grand-chose ! Ah, si ! Trois ministres, déjà ! Des subventions «égarées dans le circuit».

Un penchant coriace à toujours mettre les charrues avant les ânes,à aller plus vite que le «Boroxe-boroxe» étatique : conseil interministériel sur les industries culturelles, conférence internationale sur l’économie de la culture, sans oublier la prouesse qui a consisté à transformer un sigle universitaire (LMD) en symboles et signes pour définir la culture, maintenant et au pays de Senghor. Et quoi encore ? Des effets d’annonces en gros, en demi-gros et en détails, destinées à ne jamais être suivies ? Et, pourtant, je persiste à croire que le Président Sall peut faire, au plan culturel, plus et mieux que ses devanciers au «Palais».

Mais, il est des préalables : la volonté qui place la Culture au cœur de Ses décisions sur-prioritaires et des compétences pas forcément colorés- APR ou Benno-je-ne-sais-quoi ? Il est, là, des actes pour lesquels le Président Sall a tout à gagner : des traces qui l’installent en immortalité et seraient autant d’heureux souvenirs en legs aux générations présentes et à venir. Quoi, donc, etcomment ? Il incombe aux conseilleurs du «Premier Protecteur des Lettres et des Arts» et à la tutelle naturellement d’y répondre. Tout de même, je peux affirmer que beaucoup de choses restent à faire.

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Qu’il est aussi beaucoup de chemins à boucler. Que le temps n’est que trop compté et que l’Autorité n’a toujours pas compris que la Culture est unenjeu et une préoccupation à généraliser et qu’il ya comme une inflation de personnes-ressources, mais qui peuvent n’être qu’inutiles quand les moyens aussi sont en… «rupture» (de communication efficace et de coopération judicieuse) et que les infrastructures de base, si elles existent, sont à remettre en question quant à leur viabilité, leurfiabilité, leurs emplacements et missions. Synthétiquement, on peut avouer qu’ici, «au pays de Senghor», tout ou presque est, culturellement, à revoir, à faire et, méthodiquement, à organiser : le Fonds d’Aide à l’édition et à la création.

Le Fonds destiné au cinéma. Le Fonds aux artistes. La sécurité sociale des gens du secteur. Des lieux de culture, etc. On parle aussi du livre et de la lecture et s’alarme que les enfants ne lisent plus ? Comme si, en ce point, les adultes faisaient mieux, eux, qui ne lisent plus que des SMS, des bulletins de salaire, des factures d’eau, d’électricité, de téléphone et des décharges de per diem, hein ? Et dire que l’équation double que sont le livre et la lecture se règle en moins de treize minutes, je vous jure !… Comment, donc ?…

Facile, mon vieux ! Et comment faire que les écrivains vivent de leurs plumes ? C’est encore plus facile, bon sang ! Et comment ceci ? Comment cela ?… Avec Macky, trop de «comment» polluent le domaine de la Culture. Or, les «c’est ainsi» et les «c’était aussi simple que cela» – aptes à faire que la Culture devienne unimpératif inhérent à toute dynamique de progrès matériel et humain- sont dans les airs du temps et bien de l’ordre des plus-que-possibles ! Mais, enfin… Nous restons des millions de bougres convaincus qu’il sera toujours utopique d’être Macky à la place de Macky. Utopie ? Encore et toujours ?… Allons donc !… Et, alors, qu’on me dise combien d’œuvres sublimes et de «villes splendides», de l’utopie et de rêves (de) «fous», n’ont pas jailli ?

 

Elie-Charles Moreau

Mouvement Alternative-Culture

alternativeculture20un7@gmail.com

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