Ces dernières décennies, le « boom » urbain est l’un des phénomènes les plus perceptibles et prégnants au Sénégal comme l’attestent les statistiques officielles : le taux d’urbanisation est passé successivement de 23% en 1960, 30% en 1970, 34,12% en 1976, 38,40% en 1988, 40,6% en 2000 et se situe à 42,90% en 2015 (Source : ANSD). En effet, l’exode rural et le fort taux de croissance naturelle de la population font accélérer l’urbanisation et transforment, la plupart des villes, notamment les villes situées dans la partie occidentale du pays en de véritables « concentrations humaines ». Ainsi, ces villes, à l’instar de la région de Dakar, au-delà de leurs importants effectifs démographiques, constituent également les endroits où se déterminent essentiellement la croissance économique et se prennent les grandes décisions politiques du Sénégal. Toutefois, au regard de leurs dimensions stratégiques, ces établissements humains offrent-ils les conditions optimales pour transformer leur énorme capital humain en atouts économiques aptes à hisser le Sénégal au rang des pays émergents ?
Cette interrogation amène à ausculter la fonctionnalité des villes et d’arriver aux constats que les espaces urbains contiennent de plus en plus difficilement l’urbanisation effrénée qui étale ses tentacules jusque dans les zones non aedificandi impropres à l’habitat, les emprises réservées à la réalisation des équipements et infrastructures, les espaces dédiés à l’agriculture. Pourtant, une discipline ou une politique dite de l’URBANISME défini comme un art, une technique, une science pour bien gérer et planifier le développement des villes afin d’assurer le bien-être de ses habitants, existe depuis fort longtemps au Sénégal et a permis, dès 1867 et 1946, de doter Dakar de plans d’urbanisme.
L’URBANISME joue-t-il véritablement son rôle ou occupe-t-il réellement la place qui devait être la sienne dans la politique de développement urbain du Sénégal ?
En toute logique, l’implantation humaine dans l’espace urbain doit être orientée par la planification urbaine. En effet, l’élaboration de plans et schémas directeurs d’urbanisme déterminent la destination des sols urbains c’est-à-dire la disposition des habitations, des activités, des équipements et infrastructures sur l’espace est définie par ces documents cadres de planification urbaine qui sont accompagnés de règlements d’urbanisme pour leur bonne application.
L’URBANISME cherche, par conséquent à créer un équilibre spatial, à faire jouer à l’espace urbain des fonctions essentielles pour rendre aisée et agréable la vie des populations des villes. A cet effet, la Charte d’Athènes stipulait qu’il servait à assurer les fonctions suivantes : Habiter-Travailler-Cultiver le corps et l’esprit-Circuler. Aussi, dans cette quête perpétuelle de mettre les citadins dans les meilleures conditions de vie et d’épanouissement, cet art ou science de la ville œuvre pour la mixité fonctionnelle (disposer sur un territoire de l’ensemble des fonctions nécessaires à la vie en ville) ou sociale sur l’occupation du sol ; définit des plans de lotissement, de rénovation, de restructuration urbaine des quartiers précaires, impose des autorisations ou permis de construire, fixe des zones non aedificandi ou inconstructibles, etc.
A la lecture de cette brève revue de quelques objectifs de l’URBANISME et examinant ou constatant les multiples dysfonctionnements répertoriés quotidiennement et qui rendent de plus en plus nos villes invivables, la question qui survient naturellement est : Accorde-t-on de l’importance à l’URBANISME dans la politique de développement urbain ? Nos villes sont-elles bâties en suivant, scrupuleusement, des principes d’ordre urbanistique où sont-elles façonnées simplement par la vision « à court terme » des politiques (au plan national et local) ?
En réalité, si l’on interroge l’architecture institutionnelle, le Ministère chargé de l’Urbanisme existe depuis l’accession à la souveraineté nationale du Sénégal et mis en commun, souvent avec l’Habitat ou l’Environnement ou l’Aménagement du Territoire. Malgré cette volonté affichée très tôt par les autorités politiques pour une meilleure gestion de nos villes, il est nécessaire, en ce 21ème siècle, de valoriser davantage le secteur et de le hisser à un rang à la dimension de la complexité des problèmes auxquels il est censé apporter des solutions durables.
En effet, les espaces urbains subissent des mutations extrêmement rapides appelant à un renforcement urgent de l’URBANISME tant au plan positionnement institutionnel, organisationnel que des ressources (humaines, financières, logistiques) affectées à son exercice. A cet effet, certaines actions et mesures devraient être prises dans les meilleurs délais :
– l’organisation d’un Conseil National de l’Urbanisme qui est la plus haute instance où les décisions majeures sont prises dans le domaine (cf. Code de l’Urbanisme). Le dernier Conseil a été tenu le 18 Décembre 1980 ;
– l’amélioration du taux de couverture en documents cadres de planification urbaine des villes (Plans Directeurs d’Urbanisme, Schémas d’Aménagement, Plans d’Urbanisme de Détails, etc.) ;
– un meilleur accompagnement, encadrement et renforcement des collectivités locales à qui, la compétence URBANISME est transférée depuis 1996. Cette action est nécessaire pour éviter les écarts récurrents observés ces dernières années et pour apporter la coordination dans les interventions de l’Etat et des collectivités afin de promouvoir une meilleure cohérence territoriale ;
– mettre en œuvre un programme national de Restructuration urbaine des quartiers irréguliers et de Rénovation urbaine des quartiers anciens (Médina, les HLM, etc.) ;
– renforcer le contrôle de l’occupation du sol en mettant à la disposition des services compétents les moyens nécessaires à un exercice correct de leurs missions ;
– mettre à jour les textes règlementaires qui régissent le secteur.
La liste des actions à entreprendre dans des échéances rapprochées est loin d’être exhaustive. Mais ce qui demeure certain, vérifiable et actuel est l’augmentation continuelle et intense de l’urbanisation qui est devenue un phénomène irréversible avec comme corollaire, la multiplication des besoins à satisfaire et l’intensification des problèmes auxquels des réponses adaptées doivent être apportées. Au niveau central, le secteur doit être soutenu davantage et figurer en bonne place dans les stratégies de développement national. Egalement, à l’échelon local avec l’approfondissement de la politique de décentralisation (Acte3) qui a abouti à la communalisation intégrale, l’expertise et les instruments devront exister pour faire face convenablement au développement spatial et aux nouvelles exigences du monde urbain.
Mamadou DIENG
Vision Guédiawaye
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