Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Talibés : Ils Sont Cent Cinquante Mille (150.000) !

Talibés : Ils Sont Cent Cinquante Mille (150.000) !

Les chiffres sont effroyables. Les talibés (enfants-mendiants) seraient cent cinquante mille sur l’ensemble du territoire sénégalais. Et entre trente mille et soixante mille, rien qu’à DAKAR… L’UNICEF a argué cette semaine, dans son rapport sur « La situation des enfants dans le monde 2016: l’égalité des chances pour chaque enfant », que plus de 600.000 enfants en âge d’aller à l’école primaire, sont en dehors du système scolaire. L’absence de sources de documentation fiables rend difficile l’appréciation des chiffres réels mais nous savons tous que les proportions sont dans cet ordre là. Diagnostic.

Talibé, talibé et talibé (l’apprenant, le disciple et le mendiant)

Dans la société sénégalaise d’antan, les études coraniques dans un daara constituaient le début d’une formation qui englobait tout : le savoir, le savoir-être… Elles permettaient de former un Homme. Dans ce processus de formation, le talibé (apprenant) passait par la mendicité juste pour ses repas. Cela passait parfois par une famille qui le lui assurait (il n’avait qu’à venir prendre ses repas) ou tout au plus, ne dépassait pas les frontières d’une zone réduite. Cela lui permettait d’acquérir des vertus qui lui serviraient tout au long de sa vie (humilité, endurance dans l’épreuve, foi…etc) mais également d’ôter chez lui des défauts (vanité, indiscipline, etc…). Au bout de la formation, le talibé (apprenant) pouvait devenir le talibé (disciple) ou même le talibé (une personne humble et bien éduquée, dans le langage courant).

C’est cette importance qui a été quelque peu délaissée pour aboutir à une mendicité systématique où les talibés (mendiants) ne sont que des maillons (et pire, des victimes) d’un système inqualifiable. Les enfants n’apprennent quasiment rien et sont pratiquement toujours détournés honteusement au profit d’un « maître » qui n’en fait qu’à sa bourse.

A LIRE  Filles du Boundou, marions-nous parce qu'on le désire et non à cause de la pression sociale

Aussi bien au niveau du code de la famille, du code de procédure civile, du code de procédure pénale que du code pénal, les enfants y ont des « droits » consacrant leur protection. Selon la LOI N° 2005-06 (l’assemblée nationale l’a adoptée, en sa séance du vendredi 29 avril 2009) relative à la lutte contre la Traite des personnes et Pratiques assimilées et à la Protection des victimes (chapitre I section II article 3) : « Quiconque organise la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit embauche, entraîne ou détourne une personne en vue de la livrer à la mendicité ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire est puni d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 500 000 francs à 2 000 000 francs ».

S’y ajoute le fait que le Sénégal a ratifié, en 1990, la CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DE L’ENFANT. La direction de la protection de l’enfance et des groupes vulnérables avait annoncé au mois de février 2016 un projet de loi portant CODE DE L’ENFANT. C’est cette meme direction qui a pris l’initiative du plan d’actions de retrait des enfants de la rue.

C’est dire donc que l’arsenal juridique est bien fourni.

Que fait donc l’Etat avec toute cette armada, concrètement ? Réaction tardive…

Démission de la société, sévices et vices, faillite étatique

Nous nous étranglons tous les jours de rencontrer dans la rue, des enfants « miséreux » alors que certainement nous en avons laissé un ou d’autres du même âge dans nos concessions. La providence est ce qu’elle est, convenons-en. Mais comment justifier ce « COUMBA AM NDEYE AK COUMBA AMOUL NDEYE » au nom de quoi le talibé (mendiant) ne bénéficie pas du même départ dans la vie que cet autre enfant bien protégé dans un cocon familial ? La réponse est d’autant plus révélatrice qu’avant, dans notre société, TOUT le monde s’occupait de l’éducation et du devenir de TOUS les enfants : nous ne sommes plus ce que nous étions, nous avons perdu notre capacité d’indignation, nous avons trahi une partie du contrat social sénégalais. Ce « yeurmandé » sélectif (compassion) n’est apparu dans notre mode de vie qu’il y’a récemment.

A LIRE  Daaras, talibés et mendicité au Sénégal: Ce qu'on ne dit pas souvent des grands daaras du pays

Les enfants protégés au sein d’un espace familial ont la chance d’être prémunis contre certaines abjections. Ceux (les mendiants) qui n’ont pas cette chance sont quotidiennement agressés. Les sévices corporels entre eux ou infligés par leurs « maîtres » sont connus de tous. La répugnante pédophilie l’est également. Quid de l’homosexualité (une déviance plutôt qu’une « orientation » comme il nous est honteusement présenté) qui dit-on, en découlerait ?

L’absence de réaction étatique face à cela est…bizarre. Comme explicité plus haut, l’arsenal juridique est déjà là. La forme jacobine de notre Etat aurait dû permettre une plus prompte action. Nous n’y comprenions vraiment rien à ce silence des autorités concernées, vraiment rien.

L’Etat est responsable, au premier chef, du respect des droits de l’enfant et de leur protection (les enfants vivant au Sénégal et les enfants sénégalais vivant à l’étranger), contre toutes les formes de violence, à tout moment et en tous lieux. En signant et en ratifiant la CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DE L’ENFANT, le Sénégal s’est donc engagé à ne pas sacrifier les droits des enfants sur quelque autel que ce soit, de quelque nature qu’elle soit. L’Etat s’engage aussi à soutenir les familles dans leur rôle éducatif à l’égard des enfants.

Apatridie, inéducation et sécurité nationale (ou risques sécuritaires)

Les questions sécuritaires constituent un enjeu de notre temps, un enjeu sous-régional mais aussi national. Les grands moyens déployés par le Chef de l’Etat allant dans ce sens sont visibles.

Nous ne sommes pas surs que ces enfants errant dans la rue soient dûment déclarés à l’état-civil. La situation dans laquelle ils se trouvent ouvre largement la porte au prolongement de notre non-maitrise de l’état-civil. Mais pire, l’apatridie de ces centaines de milliers d’enfants nous guette car c’est très simple : quand on n’a aucun papier car n’ayant jamais été déclaré nulle part, on n’a aucune nationalité. Leur inéducation non plus n’est pas ou plus à démontrer. A lister toutes les menaces pouvant découler de cette situation, on y perdrait le nord : apatridie, inéducation, trafic de drogue, trafic d’organes, trafic d’êtres humains, terrorisme…

A LIRE  Sokhna Diara Bousso était-elle belle ?

Alors, menace ou pas ?

 

ZAKARIA NDIAYE

zakariandiaye@hotmail.com

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *