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Problématique Des Talibés Au Sénégal

Problématique Des Talibés Au Sénégal

De «talabes» au singulier, «toulabes» au pluriel, le mot «talibé» vient de l’arabe et signifie étymologiquement quelqu’un en quête de savoir. Le concept a glissé un peu et est devenu sans distinction, tous ces jeunes enfants vulnérables mendiants confiés par conviction religieuse ou par carence de subsides à un «ceerno/serign daara» par leurs parents pour qu’ils soient instruits, dotés de savoirs, de savoir-être et savoir-faire pratiques leur permettant, une fois adultes, de vivre décemment et en harmonie avec la société.

Les taalibés sont donc des enfants inscrits par des adultes dans un processus d’acquisition de savoir, ce sont des apprenants, des élèves tout simplement qui méritent une attention toute particulière de la Nation tout entière au regard de leur nombre toujours croissant et des enjeux qu’il y a à assurer une éducation de qualité pour tous les enfants, sans discrimination aucune, au nom du droit fondamental à l’éducation, un droit quasi sacralisé par un précepte du prophète de l’islam .

Les daaras, lieux par excellence d’apprentissage du Coran, remontent de très loin dans le passé, certainement avec l’avènement de l’islam au Sénégal au XIème siècle. Ce sont les premiers espaces publics d’acquisition de savoir et de socialisation des enfants, des écoles traditionnelles qui ont formé nos grands savants théologiens et poètes arabophones dont les Sénégalais se glorifient et qui ont participé au façonnement de l’homo senegalensis actuel ; ces hommes valeureux et connus de tous font la fierté et le ciment du Sénégal d’aujourd’hui. Purs produits de ces daaras, nombreux sont ceux qui ressentent l’obligation morale de les perpétuer sous leurs formes traditionnelles parce que, disent-ils, c’est dans ces conditions que l’humain se révèle en l’homme de la plus fort belle manière. En dehors du savoir théorique, l’endurance, l’humilité, le sens de l’altruisme et le partage sont entre autres valeurs que les enfants talibés acquièrent tout au long de leur formation ; d’où le refus systématique que certaines familles religieuses avaient opposé à la politique des années 1990 de modernisation des daaras qui visait leur électrification et aujourd’hui, les mêmes s’opposent à la réforme curriculaire voulant introduire le français.

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La plupart du temps, en tout cas au Fouta, ce sont essentiellement les garçons en tant que futurs gardiens de la tradition séculaire qui sont voués à cette école traditionnelle, où ils apprennent à mémoriser le Coran, à approfondir le droit islamique, l’histoire, le tawhid «unologie» ou la science de l’un, le mysticisme etc. Ils apprennent parallèlement à vivre de la sueur de leur front à travers l’agriculture. Ceux qui décrochent seront pour la plupart des commerçants. Les profils de sortie, à part les aptitudes liées aux pratiques cultuelles, ne sont pas en adéquation avec les exigences de développement économique du pays.

Les filles restaient à la maison. Aujourd’hui, elles peuplent les nombreux collèges de proximité du monde rural, en attendant d’être mariées précocement, pour la plupart d’entre elles.

C’est un choix délibéré de certains parents de mettre leurs enfants dans les darras. Ils n’ont pas confiance en l’école moderne française qui travestit, pour eux, et corrompt les mœurs, les us et coutumes jalousement préser­vés depuis très longtemps.

C’est pourquoi, au nom de l’équité et de la bonne gouvernance des ressources publiques, la question de la redistribution et de la répartition des fonds alloués à l’éducation doit être posée. Si en effet pour le parent qui a choisi d’inscrire son enfant à l’école française, celle occidentale a tous les avantages, son enfant est pris en charge dans un cadre d’apprentissage approprié, des enseignants et une administration scolaire mis à disposition, des manuels scolaires offerts, des bourses d’études… alors que l’autre, sénégalais bon teint, parce qu’il a choisi le modèle daara, son enfant doit vivre de pitance. Dans la seule région de Dakar, ils sont plus de 30 mille enfants à vivre de mendicité.

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Il se pose également la question du contrôle des enseignements et de la formation des enseignants des daaras, de leur certification et de leur autorisation à exercer pour un suivi rationnel de ce modèle d’enseignement dit non-formel.

On a aussi tendance à mettre dans le même lot les enfants de la rue, ceux victimes d’exploitation et d’abus, en conflit et en fugue, et ceux convoyés depuis l’étranger, à la merci d’esclavagistes sans cœur qui exploitent honteusement l’innocence de ces petits en mal de protection.

Le plus souvent, au moment de confier le futur taalibé à l’enseignant, à l’érudit ou a celui qui a vocation d’inculquer ces valeurs citées, le parent formule les derniers propos du genre : «Je te confie mon enfant, mon avenir, le meilleur de ce que j’ai et en retour je ne te demande que ses os.» Ce qui donne quasiment toute la latitude à l’enseignant de procéder comme il l’entend, sans contrôle parental, sans surveillance de la communauté encore moins de l’Etat, sauf sa seule conscience.

L’enfant maltraité, prend la poudre d’escampette et devient un enfant de la rue ; agressé par un environnement hostile, il peut devenir un danger permanent pour la communauté.

Regroupés dans des daaras (école traditionnelle) au niveau des villages, des bourgades, dans les centres urbains et au cœur de la capitale sénégalaise, ces enfants sont disséminés et présents partout dans ce pays. Ils sont très visibles et se font remarquer par leurs haillons, souvent pieds nus et donnent ainsi une forte impression de besoin d’aide qui accentue le sentiment de pitié et de désolation.

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Interrogés dans les rues de Dakar, ils sont très souvent d’un niveau de maîtrise des sourates assez médiocre et disent qu’il leur est demandé 500 francs Cfa par jour, sans quoi ils ne doivent rentrer dans leur daara ou plutôt dortoir sans conditions d’hygiène requise et sans protection garantie.

Prenant conscience de toutes ces considérations, la coalition Ept se félicite de toutes les initiatives prises par l’Etat et les autres acteurs pour trouver des solutions viables et durables face à cette situation pénible et alarmante des enfants talibés.

La coalition Education pour tous encourage l’Etat du Sénégal à poursuivre ses efforts dans le sens d’abréger la souffrance de ces enfants. Elle recommande surtout plus de concertation avec les acteurs clés, plus de synergie avec les guides et familles religieuses pour plus de consensus forts dans la mise en œuvre des actions en faveur de ces enfants.

 

Thierno Abasse DIALLO

SG Coalition Nationale Ept

Pdt udes (union pour le développement de l’école sénégalaise)

Principal Cem Touldé Gallé, Ief Podor

abathiernodiallo@yahoo.fr

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