Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

En Réponse à Macky Sall : Ce Que Nous Attendons De Nos Dirigeants

S’exprimant lors de la cérémonie d’installation des membres du Conseil supérieur de la fonction publique locale, le mardi 27 février, le Président Macky Sall a dit : « Il faut que les gens acceptent d’être dirigés dans ce pays ». Pour replacer ce propos dans son contexte, voici l’intégralité de ce qu’il a dit en wolof relativement à ce sujet : « Il faut que les gens acceptent d’être dirigés dans ce pays. Il ne faut pas faire de l’anarchie ou personne n’est responsable de rien. Cela n’est pas possible. Chacun doit accepter l’autorité de son supérieur. Si on est dans une municipalité, on doit accepter l’autorité du Maire et celle du Président du conseil départemental.  Peu importe leur personne ou leurs noms. C’est Dieu qui les a mis à leur place, car ils ont gagné des élections. Vous devez leur manifester égards et respects. À leur tour, ils doivent vous manifester égards et respects. Ils doivent éviter de privilégier la force ou d’imposer la dictature » (traduction libre).

Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais

Ces conseils du Chef de l’État sont judicieux. Pour faire preuve de leadership, il doit ou devrait les appliquer lui-même en prêchant par l’exemple. Est-ce que c’est le cas ? Plusieurs faits tendent à démontrer le contraire. Nous allons les rappeler brièvement.

Un certain dimanche 12 mai 2002, Macky Sall, alors ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique, s’était cru si fort et au-dessus des lois au point de forcer un bureau de vote pour mettre son bulletin de vote dans l’urne malgré l’opposition du président du bureau de vote. Il ne pouvait pas et ne devait pas voter, car il n’avait pas par devers lui une pièce d’identité. Il n’en avait cure ! Il a montré à travers cet acte, comment un Ministre pouvait se foutre de l’autorité d’un Président d’un bureau de vote et, au-delà, des lois de la République.

Le 09 avril 2016, ce même Macky Sall, devenu Président de la République, qui devait présider à 9h00 précises, au centre de conférences Abdou Diouf de Diamniadio, la cérémonie d’ouverture du Forum sur l’Administration, ne s’est pointé, finalement, qu’à 13h11 minutes, soit plus de 4 heures de retard. Non seulement il n’avait pas pris la peine de s’excuser, il s’était permis, en plus, dans son discours, d’appeler les fonctionnaires à cultiver l’assiduité, la ponctualité et la rigueur. Quel bel contre-exemple !

A LIRE  À L’ASSEMBLÉE COMME DANS LA RUE

Enfin, c’est toujours Macky Sall qui promettait une gestion « sobre et vertueuse », et 6 ans après, nous vivons à l’ère d’une gestion sombre et vicieuse. Il avait promis de faire un mandat de 5 ans, il s’est finalement caché derrière un avis-décision (un nouveau concept crée exclusivement pour lui, pour lui tirer d’affaire) pour se rétracter. Il avait juré de ne jamais nommer, par décret, son frère, aujourd’hui celui trône à la tête du plus riche démembrement de l’État, la Caisse de dépôt et de consignation. Il s’était engagé à renforcer l’État de droit et la reddition des comptes, en bout de course, il a « mis sous le coude » plusieurs dossiers de prévarications financières impliquant ses partisans. Last but not least. Tout ceci pour rappeler l’énorme écart qui sépare les propos (mielleux) et les actes de Macky Sall.

Dans ces conditions, que valent ses derniers propos tenus lors de la cérémonie d’installation des membres du Conseil supérieur de la fonction publique locale ? À notre avis, rien, nada, touss ! Il est le premier à savoir que les sénégalais sont à l’image de leurs dirigeants, lesquels passent tout leur temps à s’ingénier sur les meilleurs moyens de spolier le peuple de ses maigres ressources, à se soustraire des obligations qui pèsent sur eux et à contourner ou détourner les lois à leur profit exclusif. Allez voir ce qui se passe au Rwanda. Le Président Paul Kagamé n’a pas besoin de faire ce « xutba » (prêche) pour que les rwandais soient respectueux de l’autorité. Lui-même donne un exemple de discipline, de rigueur, de probité et de ponctualité. Les rwandais le suivent en imitant son bon exemple.

A LIRE  Macky Sall : de la virulence du discours sur les réseaux sociaux

Ce que nous attendons de nos dirigeants

En nous faisant part de ce qu’il attend de nous, nous le peuple, sommes aussi en droit de lui dire ce que nous attendons de lui et de ses collaborateurs et, au-delà, de toute personne qui aspire à diriger le Sénégal ou à y exercer une parcelle de pouvoir. Nous attendons de nos dirigeants l’incarnation d’un certain nombre de valeurs qui doivent transparaître à travers leurs comportements de tous les jours. Parmi celles-ci, nous pouvons citer notamment l’intégrité, l’impartialité, la compétence et le respect.

L’intégrité renvoie à des comportements justes et honnêtes. On ne se fait pas prendre la main dans les caisses de L’État. L’intégrité veut dire aussi l’absence de conflits d’intérêt ou d’apparences de conflits d’intérêt. Si nous avions des responsables intègres, le frère de Macky Sall ne serait pas en situation de conflit d’intérêts dans l’affaire des concessions pétrolières. Non plus, Baba Diao, Ministre, Conseiller spécial ne serait pas nommé pour conseiller le Président dans des secteurs ou lui-même est l’un des principaux acteurs.

L’impartialité, éloigne de la partisannerie en traitant tout le monde et tous les dossiers de façon équitable. Elle implique des comportements de neutralité et d’objectivité, c’est-à-dire la capacité de prendre des décisions conformes aux lois, aux règlements et à l’intérêt général. Par exemple, au nom de l’impartialité, Amadou BA (Ministres des Finances) ou Diène Farba Sarr (Ministre du renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de vie) ne seraient jamais opposés, sans raisons valables, aux projets de la Ville de Dakar (emprunt obligataire pour l’un et aménagement de la place de l’indépendance pour l’autre).

La compétence signifie le fait de nommer les sénégalaises et les sénégalais les plus aptes, les plus qualifiés(es), dotés(es) d’habiletés et d’expériences professionnelles avérées pour occuper des charges publiques, ceci à tous les niveaux. Malheureusement, le favoritisme et la volonté de recaser une clientèle politique incompétente, grabataire et composée de prébendiers, font qu’on a aujourd’hui affaire à une horde d’incompétents et de va-nu-pieds dont le maître-mot est l’enrichissement personnel par tous les moyens et le plus rapidement possible. C’est le règne de la kleptocratie et non de la compétence.

A LIRE  Conviction Républicaine : Du mythe à la réalité

Le respect signifie avoir de la considération à l’égard de tous les citoyens, sans exception. Cela exclu le détournement de leurs suffrages en faisant transhumer, vers les prairies marron-beige, des élus locaux et représentants de l’opposition. C’est aussi faire preuve de courtoisie, de retenue et de diligence dans ses rapports avec les citoyens, mais aussi avec les autres institutions. Si le respect était au rendez-vous, Moustapha Diop (ancien Ministre chargé de la Microfinance et de l’Économie solidaire et ancien Administrateur du Fonds National de l’Entreprenariat Féminin) ne se serait pas permis d’éconduire une mission de vérification de la Cour des comptes.

Au total, au regard de ces valeurs et de bien d’autres, nous pouvons facilement nous rendre compte que les propos du Président Macky Sall sont à l’opposés de ce qu’il pose quotidiennement comme actes. Voilà pourquoi il n’est plus écouté et que sa crédibilité s’est fortement et dangereusement érodée depuis son arrivée au pouvoir. Malheureusement, il est le seul à ne pas s’en rendre compte. Le réveil sera brutal pour lui.

 

Ibrahima Sadikh NDour

ibasadikh@gmail.com

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *