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PrÉsidents Africains, Le Respect Ne Se QuÉmande Pas !

La vidéo montrant le président français au Salon de l’agriculture déclarer qu’il mettrait plus de pression sur le président Paul Biya en a surpris plus d’un. La colère et l’indignation qu’elle a suscitées au Cameroun ont été si grandes que nombre de citoyens de ce pays sont partis manifester leur mécontentement devant les grilles de l’ambassade de France à Yaoundé. Pourtant – si on imagine ce qui doit se dire et/ou se faire en privé, lors des tête-à-tête, entre Emmanuel Macron et nombre de ses homologues de l’Afrique noire francophone et entre ceux-ci et certains dirigeants occidentaux – cette déclaration, le message comminatoire que le président français a adressé aux chefs d’État des pays du G5 Sahel après la mort de treize soldats de son pays, la sortie de l’ambassadeur de l’ancienne puissance coloniale contredisant les autorités sénégalaises sur la date de mise en circulation du Ter, le « court-circuitage » de la CEDEAO par le couple Macron-Ouattara à propos du futur remplacement du franc Cfa par l’Éco…ne doivent être que la partie visible de l’iceberg de l’humiliation dans l’océan d’indignité dans lequel nos dirigeants sont souvent plongés.

Comment un président peut-il respecter son homologue qu’il a aidé à accéder au pouvoir illégalement et à s’y maintenir en foulant au pied les règles nationales et internationales ? Comment un président peut-il jouir du respect de ses pairs, s’il n’hésite pas à massacrer sa propre population ou à modifier manu militari la constitution de son pays afin de pérenniser son règne ? Comment un président peut-il respecter son homologue, quand l’argent détourné par celui-ci – pendant que son peuple manque de tout – est déposé dans les banques du pays du premier nommé ? Comment un président peut-il respecter son homologue dont il peut faire vaciller le trône par un simple claquement de doigts ? Comment un président peut-il vouer un soupçon de respect à son homologue si ce dernier signe avec lui des traités totalement opposés aux intérêts du peuple qu’il est censé défendre ?

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Le jour où nombre de présidents africains, pour rester au pouvoir, n’auront  plus besoin de tuer qui que ce soit ou de modifier la constitution de leurs pays ; le jour où ils  ne chercheront plus à se faire remplacer obligatoirement par un de leurs enfants ou par un membre de leur parti, mais par un candidat librement élu par ses concitoyens ; le jour où ils signeront des accords qui profiteront à leurs peuples ; le jour où ils cesseront de détourner les maigres avoirs de ceux-ci pour les déposer dans des banques étrangères ou des paradis fiscaux ; le jour où ils agiront avec courage et dignité devant leurs homologues étrangers – fussent-ils les plus puissants au monde -, non seulement le regard que leurs homologues étrangers porteront sur eux changera, mais leurs concitoyens seront fiers d’eux et n’auront plus besoin de se plaindre auprès de qui que ce soit afin de mettre une quelconque pression sur eux. Car l’eau de la démocratie et du respect des droits de tout un chacun coulera de source dans leurs pays.

Il y a des propositions qui ne sont malheureusement faites qu’aux pays faibles, surtout s’ils sont africains. C’est sans doute pour cette raison que la FIFA, par le biais de son président, M. Gianni Infantino, pour des raisons prétendument financières, veut que le CAN soit organisée tous les 4 ans. Elle reste pourtant muette sur une question beaucoup plus importante : les cris racistes dont sont encore victimes plusieurs fils du continent africain sur de nombreux terrains européens. Elle feint aussi d’ignorer le lobbying des clubs européens pour qui les compétitions africaines sont souvent « inopportunes et encombrantes» parce que les séparant temporairement de quelques-uns de leurs footballeurs, parfois les meilleurs. Même s’il ne faut pas perdre de vue qu’il peut exister des problèmes de calendriers, lors des compétitions internationales les joueurs sud-américains et européens sont souvent, pour ne pas dire toujours, libérés par leur club sans aucun bruit, contrairement à ce qui se passe souvent quand il s’agit de footballeurs africains.

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Lors de sa récente visite au Sénégal, le Premier Ministre canadien n’avait pas oublié d’inscrire dans son agenda son projet pour la légalisation de l’homosexualité dans le pays. Sans doute ignore-t-il que les pays en développement ont plus besoin de transferts de technologie, de commerce équitable, d’accords « gagnant-gagnant », du desserrement de l’étau dans lequel les enserrent les institutions financières internationales, de l’annulation des dettes qu’ils ont contractées iniquement. Bien que le président Macky ait pris une posture courageuse en lui répondant, il lui a juste fermé la porte tout en n’excluant pas la possibilité de passage par la fenêtre un jour. Pendant ce temps, Vladimir Poutine – qui n’a ni peur de représailles encore moins de pression ou de gel « d’aides » ou de subventions venant de quelque pays que ce soit – a montré que : quand on refuse, il faut dire non. Aussi a-t-il même pensé à faire inscrire l’interdiction de l’homosexualité dans la constitution de son pays. C’est dire que les relations internationales ont été de tout le temps des rapports de forces. Dès lors, la respectabilité d’un pays se mesure souvent à l’aune de son PIB et surtout de sa force militaire. Consciente de cela, la Corée du Nord mise beaucoup sur son armée quitte à sacrifier le bien-être de son peuple. Le Venezuela qui subit l’assaut répété des USA pour des raisons obscures et infondées, la Bolivie qui a connu le renversement d’un président démocratiquement élu, l’Iran dont l’un des généraux, à l’occurrence Qassem Soleimani, a été tué pour des raisons sombres ne diront pas le contraire. Quid des pays africains noirs francophones, qui sont semi-souverains ?

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En définitive, Régis Debray semble avoir raison : « Ne comprendra rien au XXIe siècle, celui qui ne saisit qu’aujourd’hui vivent côte à côte, dans le genre humain, deux espèces dont l’une ne voit pas l’autre : les humiliants et les humiliés. [ … ] La difficulté vient de ce que les humiliants ne se voient pas en train d’humilier. Ils aiment à croiser le fer, rarement le regard des humiliés[1]Les Africains, du moins nombre d’entre eux, ne cesseront de faire partie du camp des humiliés – où ils sont souvent installés par leurs dirigeants – tant et aussi longtemps qu’ils n’auront pas de dirigeants courageux, dignes, fiers et soucieux du bien-être de leurs peuples ; tant et aussi longtemps qu’ils n’auront pas la force de se défendre tout seuls et la capacité de se nourrir ; tant et aussi longtemps qu’ils resteront de faibles petits États désunis…D’où la nécessité du basculement sur la pente du destin fédéral cher à Cheikh Anta Diop. L’auteur de Nations nègres et culture ’avait-il pas dit que : « La sécurité précède le développement.» Chaque jour que Dieu fait, ce qui se passe sur le continent lui donne raison.

[1][1] La haine de l’Occident, Jean Ziegler, p.31







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