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Le Jeu Et L’enjeu

L’avez-vous remarqué : personne ne conteste les résultats issus des urnes lors des législatives du 31 juillet dernier ! Il ne peut en être autrement puisqu’ils ne sont pas encore proclamés par la Commission nationale de recensement des votes. En revanche, les coalitions de partis rivalisent de surenchère pour s’attribuer la victoire sans aucune précaution d’usage. Ainsi vont les législatives.

Elles se résument à une défiance populaire en termes d’engouement, d‘élan, de mobilisation et d’indifférence. L’autre fait, inédit, aucun parti politique n’a pris part à ces élections sous sa propre bannière. Très peu de d’acteurs relèvent cette incongruité qui dénote un affaiblissement de notre système démocratique. Trois cent partis détenant des récépissés renoncent à se jauger et pour éviter d’être jugés, se réfugient dans des coalitions pour sauver la face.

Ces subterfuges rendent fausses les conséquences découlant d’un principe vrai. Rien n’interdit les regroupements de partis. Mais que vaut un parti qui ne se mesure pas ? Notre démocratie souffre de cette lacune qui, en persistant, assombrit notre paysage politique pris en tenaille par des politiciens à la petite semaine, sans relief et sans réelle ambition.

Le vote de dimanche traduit une exaspération de l’électeur très peu écouté par les candidats. Lesquels privilégient les démarches furtives sans concession ni épaisseur et souvent sans contenu. Par des processions paralysantes, ils sillonnent les villes et les campagnes à travers des caravanes dépourvues de contenus ou de consistances. Tous font la même chose. Comme si l’offre politique se résume à ce spectacle qui, loin de recréer la proximité recherchée, provoque une illusion d’optique.

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Un tel divorce d’avec les populations vient de cette impardonnable erreur de perception. Peu importe les clivages, en s’alignant sur le même mode opératoire, les acteurs politiques diluent leurs projections, ce qui ne facilite pas le choix des électeurs. Or qui dit élection, dit choix. Et par ricochet, sélection. Même l’absence de choix est en soi un choix, option qui se reflète dans la désertion des urnes avec un taux de participation de plus en plus bas et un taux d’abstention de plus en plus élevé.

Voilà une alerte, une équation même. Elle devrait fouetter nos imaginations et secouer nos esprits accommodants. Parce que la situation qu’elle induit est autrement préoccupante pour la démocratie sénégalaise. Elle a toujours revêtu un caractère délibératif et participatif sanctionné par un débat public sur des décisions politiques majeures impactant des citoyens censés être égaux.

A cet égard, la société civile n’arrête pas de sonner l’hallali. Selon elle, les dangers qui guettent risquent de fragiliser les acquis démocratiques. Le déclin de la participation sonne le glas du vote qui perd en qualité alors que la quantité est en net reflux.

Des dix-sept millions de Sénégalais, seuls 7 millions sont inscrits sur le fichier électoral. Avec un nombre amoindri de suffrages « valablement exprimés », les résultats des législatives nous interpellent sur la vraie légitimité des élus. Les concernés, eux, jubilent et pavoisent, minimisant ainsi la potentielle menace que représente une telle désaffection de l’électorat.

Sur quels ressorts devrait-on s’appuyer pour revigorer une démocratie chahutée par les hommes et les circonstances ? Le pire serait que la classe politique se croie seule détentrice de la solution. Au contraire, le noyau du problème gît en elle. Elle est moins audible parce qu’elle a cessé de se projeter au-delà du court terme qui est étonnamment son horizon. En son sein les lignes de démarcation fluctuent au gré des humeurs et des saisons.

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Au lendemain des locales, des maires élus ont changé de camp, provoquant le courroux des mandants. Ils découvrent, ahuris, qu’ils ne sont pas propriétaires des voix des électeurs. Ces errements se paient cash. Le camp présidentiel, qui se réjouissait de cet apport, a plutôt ramassé la gamelle. Et suprême désaveu : il perd des bastions dans le monde rural qui s’ajoutent dans l’escarcelle de l’opposition prête à lui disputer la majorité.

Bref la classe politique s’éloigne des préoccupations des Sénégalais qui se désolent de ce manque de considération. Ils le traduisent dans les urnes ou s’en écartent, traumatisés par la dernière législature avec la piètre image qu’elle a donnée d’elle-même par l’indélicatesse surréaliste de certains députés de la majorité sortante.

Le vote du 31 juillet n’a pas gommé ces fâcheux épisodes. Il sanctionne avec sévérité un comportement jugé outrecuidant. Il sonne comme un avertissement sans frais destinés aux députés élus de la prochaine mandature. Désormais la vigilance s’impose. Les écarts de comportements, que rien ne justifie, sont étroitement surveillés tant par l’opinion que par les médias. Élire est un acte de souveraineté individuelle et collective à la fois.

Aucune majorité ne se dégage encore des urnes au sortir du scrutin de dimanche 31 juillet. Allons-nous assister à une instabilité politique au sein du Parlement ? Devrions-nous vivre d’interminables tractations le long des couloirs de l’auguste Assemblée Nationale ? Va-t-on vers des mésalliances après les victorieuses alliances des législatives ? S’achemine-t-on vers des renversements d’alliances dictés par une recomposition de l’échiquier politique ?

Il n’est pas à exclure que des forces se regroupent par affinité et esprit de famille politique. Auquel cas, imagine-t-on un rapprochement Wade-Macky ? Sont-ils prêts à jeter la rancune à la rivière ? Pour ne rien arranger, le dossier Karim Wade occupe tous les esprits.

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De son amnistie et de sa réhabilitation dépend sa réintroduction dans le jeu, aujourd’hui ouvert avec la coalition Wallu qui a eu, sous l’impulsion de l’ancien Président, l’habileté politique de construire à la carte des alliances qui se sont révélées comme de véritables coups politiques. A la manœuvre, Wade a su échafauder une stratégie gagnante, replaçant son parti, le PDS, sur orbite et dans la course.

La remontée de la formation libérale tient au coefficient affectif (et émotionnel) dont jouit le Président Abdoulaye Wade auprès de larges franges de la société. Il est toujours aimé malgré son âge très avancé. Ce capital de sympathie constitue un avantage distinctif qui lui confère une autorité morale sur le nouveau cycle politique en cours.

En face les dés sont jetés. Entre Khalifa Sall, Ousmane Sonko et Barthélémy Dias, l’heure de vérité approche à mesure que s’égrènent les mois nous séparant de février 2024. Un monde difficile à déchiffrer se profile avec un cocktail de vocations







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