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La Gouvernance Publique, Du Président Abdoulaye Wade Au Président Macky Sall (mansour Samb)

Depuis 2000 le Sénégal est transformé en un vaste casino par le parti politique et ses réseaux, un casino où des gens gagnent des milliards en manipulant nos institutions et nos ressources financières et foncières. Pendant ce temps le peuple trinque et la démocratie se résume à un jeu dont la seule règle est la conquête du pouvoir (des privilèges). Depuis 2000, le Sénégal est victime de la privatisation de ses institutions et de ses ressources financières et foncières par le parti politique et ses réseaux. Depuis 2000 la notion d’Etat est dévalorisée et piétinée par le parti politique.

Le concept d’État est menacé au Sénégal. L’ethnie est une menace pour l’État, quand la notion d’ethnie s’installe, l’État disparaît (Côte d’Ivoire, Rwanda 1994, Soudan). La religion est une menace pour l’État, quand la notion de religion s’installe l’État disparaît (Irak, Syrie, Centrafrique). La religion et l’ethnie sont des menaces pour l’État et elles ne sont pas les seules car le parti politique est l’une des pires menaces de l’État. 

L’État doit être l’instrument de la société à travers lequel les individus organisent la préservation de leurs vies, de leurs libertés et de leurs biens. Sa première raison d’être est l’instauration d’une société de confiance dans laquelle tous les membres sont égaux devant la loi et devant les utilités publiques qui sont servies par l’administration qui représente son bras armé. Max Weber définit l’administration en rapport avec la neutralité, en rapport avec l’intérêt général qu’elle poursuit à travers un principe de base qui est l’égalité devant les services publics. 

Malheureusement depuis 2000, l’argent (le Président Wade) et le parti politique (le Président Macky SALL) se sont accaparés de l’administration. Aujourd’hui l’administration vit au rythme de l’argent (principal revendication de toutes les grèves) et du parti politique (conquête de toutes les postes).

Avec le Président WADE, l’argent s’est introduit dans l’administration. Le système de rémunération a été complètement perturbé avec des décisions d’augmentations (salaires, indemnités) prises sans études. Des agences ont été créées avec de gros salaires et des indemnités ont explosé dans certaines ministères (économie et finances, justice, affaires étrangères). Ceci a créé des frustrations et a déstabilisé certains ministères (éducation, santé) et nos enfants et nos malades en subissent jusqu’à présent les conséquences (grèves).

Avec le Président Macky Sall, l’administration (bras armé de l’Etat) vit au rythme du parti. Elle exécute les décisions prises par des hommes politiques (ministres ou directeurs généraux) qui ne voient que l’intérêt de leur parti (conserver le pouvoir) et non l’intérêt général. Les notions de neutralité, d’intérêt général et d’égalité devant le service public, ces notions chères à l’administration sont aujourd’hui bafouées à cause du parti et de la coalition au pouvoir qui a privatisé l’Etat. Aujourd’hui pour conserver ou gagner un poste ou des avantages le chemin le plus rapide c’est d’intégrer le parti ou de financer ses membres. Ceci fait qu’à l’élection, quelle que soit la qualité de service que tu peux apporter à l’État, si tu fais perdre le parti, tu es débarqué car la priorité c’est le parti et non l’État, une situation dangereuse pour le Sénégal. 

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En effet, depuis plus d’une décennie, une certaine pratique de la politique s’est accentuée au Sénégal, à savoir que la carrière politique n’est plus définie en termes de vocation mais en termes de profit, en termes d’argent. Le militantisme a cédé la place à l’investissement et beaucoup de nos hommes politiques courent après la fortune et non après la gloire. La vertu qui renvoie à l’intégrité requise de toute personne dépositaire d’un mandat public ne fait pas parti de leur vocabulaire. Ils viennent pour s’enrichir et le font sur le dos du contribuable. Mohamed Mahathir, le bâtisseur de la Malaisie moderne qui est aujourd’hui l’un des pays les plus prospères d’Asie disait : « Le leadership, c’est la capacité d’un homme ou d’un groupe à rassembler les énergies du plus grand nombre pour les dresser vers un objectif unique d’amélioration du bien-être des citoyens. Le leader doit penser que les fruits de son action serviront à tout le monde et non à son clan ou à sa famille ». Nelson Mandela disait que le succès n’aura pas de limites dès lors que l’on ne se préoccupera pas de savoir à qui il profitera. 

Aujourd’hui les crises (sociales, économiques et politiques) que vit le Sénégal sont nées des mauvais choix de notre élite politique, de son manque de compétence et de légitimité. Le problème de notre élite politique est qu’elle est bâtie à partir du décret et s’est construite à partir de l’argent, les fonds politiques, et non à partir du savoir. Une élite politique doit être armée et la meilleure arme c’est le savoir. Malheureusement que cela soit l’actuel chef de l’exécutif ou la plupart des chefs de parti, ils sont le fruit des fonds politiques. Le philosophe Souleymane Bachir Diagne disait : « Nos élites politiques sont des forces de transformation économique et sociale. Elles ne doivent pas être créées à partir de l’argent. Quand elles sont le fruit du savoir, elles deviennent un atout pour la société ». Notre élite politique n’est ni savant, ni philosophe et ne gouverne que par l’argent. L’argent est aujourd’hui l’instrument qui permet à notre élite de tout avoir, de tout gagner (meme les élections). 

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Nous devons savoir que l’esprit philosophique doit guider les politiques publiques car l’esprit philosophique apporte du bonheur au peuple. Le philosophe Épicure disait : « Celui qui dit que le temps de la philosophie est passé est semblable à celui qui dit que le temps du bonheur est passé ». Le philosophe Socrate accordait une place éminente au savoir dans le principe de la gouvernance. Il disait que le souverain doit être philosophe ou le philosophe, souverain. Et Platon disait pour finir : « La politique est un honneur, le plus grand devoir d’un bon citoyen et le couronnement d’une vie philosophique ». Les présidents Mamadou Dia et Mouhammad Mohatir (Malaisie) étaient philosophes. Ils avaient beaucoup publié et beaucoup écrit et de leurs publications étaient tirées les politiques publiques qu’ils avaient mises en place. Ce sont des hommes de savoir. Aujourd’hui nous avons une élite qui n’est ni savant, ni philosophe et qui ne gouverne que par l’argent. Des milliardaires qui n’ont jamais hérité, ni entrepris nous gouvernent et veulent encore nous gouverner. C’est la face hideuse de l’espace politique sénégalais. 

Les Sénégalais après le combat qu’ils avaient mené le 23 juin 2011 croyaient que le septennat 2012-2017 serait la transition entre le Sénégal historiquement mal gouverné et le Sénégal qu’il faut enfin commencer à gouverner correctement. Aujourd’hui la réalité est tout autre et la pradation des ressources foncières et financières est jusqu’à présent à l’ordre du jour. 

Il est urgent de redéfinir la gouvernance publique, d’identifier toutes les situations qui peuvent occasionner des conflits d’intérêts entre les personnes chargées d’accomplir des missions de services publics et mettre fin à tous ces conflits. La Cour des comptes et l’Inspection générale d’État réalisent chaque année des audits qui font la une des différents quotidiens. Mais ces audits qui révèlent des malversations financières n’aboutissent à rien à cause de l’omnipotence présidentielle car toutes ces personnes épinglées sont nommées directement par le président de la République et d’ailleurs comme il le dit certains dossiers sont bloqués par lui. 

L’omnipotence présidentielle étouffe tout dans ce pays. Le présidentialisme sans contrôle citoyen, sans contrepoids (Premier ministre fort) ni contre-pouvoir (opposition forte et non spectatrice) asphyxie la démocratie. Les gouvernants ont l’initiative mais leur gouvernance ne peut se faire que sous le contrôle réel de l’opposition, des citoyens et de leurs représentants élus (députés), des juges indépendants, et sous le respect des droits fondamentaux des citoyens et de la séparation des pouvoirs, selon des méthodes collégiales et pluralistes. 

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Les symboles de la démocratie existent au Sénégal depuis longtemps (multipartisme intégral, élections libres, suffrage universel, parlement, pouvoirs locaux élus, etc.) mais notre pays a toujours évolué dans une mal gouvernance institutionnelle. Or, comme le disait mon cousin Abdoulaye Rokhaya Wane (dans une contribution au quotidien Le Soleil) : « La démocratie est un modèle de régime politique qui, pour être effective, doit nécessairement être l’instrument de mise en application d’une bonne gouvernance ». 

Aujourd’hui le parti a pris le dessus sur l’Etat et sur la patrie ce qui altère le pacte social (La Patrie d’abord) promis au peuple entre les deux tours de la présidentielle de 2012. Jean-Jacques Rousseau disait dans son livre Le Contrat Social que si des intérêts particuliers font que le pacte social (la patrie d’abord, le parti après) est altéré alors c’est l’État de nature primitif (intérêt particulier) qui reprend ses droits et ainsi l’État de société (intérêt général) va devenir naturellement vain. Machiavel disait dans son livre Le Prince : « Le pouvoir que prennent et conservent les partis politiques n’a d’autre légitimité que celle conférée par l’apparence de bienveillance à l’égard d’un peuple qu’ils dédaignent et utilisent comme force politique. Le choix des intérêts privés aux dépens des intérêts du peuple est ce qui ruine nos cités. »

Dans les grandes démocraties, les hommes politiques commencent à s’enrichir quand ils quittent le pouvoir, ils gagnent de l’argent en écrivant des livres, en faisant des conférences et en travaillant dans les organisations internationales. Dans les petites démocraties comme le Sénégal, ils quittent le pouvoir avec des milliards en laissant le peuple dans le dénuement total. Un pays doit être gouvernée de façon horizontale, tout le monde sur la même ligne en matière d’opportunité et seule la compétence doit prévaloir. Quand tout le monde est sur la même ligne, si chacun fait un pas, c’est la cité tout entière qui avance. Une ville ou un pays ne pourra se développer qu’avec ce modèle (vertu, crédibilité et redevabilité). 

Après le 23 juin 2011, les Sénégalais croyaient qu’on allait directement vers la rupture et que Macky Sall remplacerait Abdoulaye Wade. Aujourd’hui Macky Sall n’a pas remplacé Abdoulaye Wade, il lui a plutôt succédé car la predation des ressources financières et foncières par une élite politique et ses réseaux est toujours en cours.

EL HADJI MANSOUR SAMB

 

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