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Le Massacre De Thiaroye S’invite À L’assemblÉe Nationale FranÇaise, Mais…

L’Assemblée nationale a évoqué le massacre de Thiaroye. Mais nos espoirs ont été déçus par la lecture du rapport. Un premier pas a été fait mais il faut bien regarder l’histoire et comprendre cette révélation sur les fosses communes.

Lorsque j’ai découvert le discours à l’assemblée nationale devant la ministre des armées du député Philippe Michel-Kleisbauer remplacé, pour cause de covid-19 par un collègue, j’ai senti une profonde satisfaction avec une lueur d’espoir tout en étant gênée par la présentation d’hommes démobilisés avant le massacre.

Trois historiens ont été auditionnés sur ce fait historique dans le cadre de l’avis fait au nom de la commission Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de Finances pour 2021 pour les crédits « Anciens combattants, Mémoire et Liens avec la Nation » : Pascal Blanchard, Martin Mourre et moi-même. Choisir d’évoquer Thiaroye 44 démontre un certain courage politique et je remercie Philippe Michel-Kleisbauer d’avoir osé mettre en lumière ce massacre  de tirailleurs sénégalais ex-prisonniers de guerre commis par l’Armée française le 1er décembre 1944.

Martin Mourre a publié un livre entièrement consacré à Thiaroye : Thiaroye 1944 Histoire et mémoire d’un massacre colonial, PUR, 2017. Pascal Blanchard, dans son ouvrage co-dirigé avec Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire Décolonisations françaises La fin d’un Empire, éditions de La Martinière, 2020, deux pages illustrées sont consacrées au massacre de Thiaroye. Pour ma part, j’ai transmis au député le chapitre entièrement revu et renommé « Thiaroye : un mensonge d’Etat » de mon livre Prisonniers de guerre « indigènes » Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, réédité en 2019.

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Une écoute sélective et dangereuse pour l’Histoire

A la lecture du rapport, j’ai compris, une fois encore, que les politiques écoutaient un historien médiatique mais qui ne fait aucune recherche, ni fouille d’archives et non les historiens qui ont passé des heures et des heures et même des années à éplucher tant et tant d’archives, à retrouver les témoins et les familles et à questionner les sources permettant de s’approcher d’une vérité sur ce massacre prémédité présenté comme une rébellion armée dans les archives consultables.

Une fois de plus, après le discours de François Hollande le 30 novembre 2014, le pouvoir politique a escamoté un rendez-vous avec l’Histoire en reproduisant dans ce rapport, les grossières erreurs commises par Pascal Blanchard. Il est facile de constater le privilège accordé à cet historien grandement cité alors que le travail de Martin Mourre n’est pas évoqué et que, pour ma part, le député cite mes propos de 2012 évidemment obsolètes puisque j’ai repris la recherche sur Thiaroye en 2012.

 Je suis donc amenée à signaler toutes les erreurs alors que ce rapport ne peut être corrigé et est donc diffusé en l’état sans que nous ayons pu en faire une lecture préalable.

 Concernant le récit, il n’y avait que des originaires de l’Afrique occidentale française (AOF) et donc pas de Centrafricains, pas de Tchadiens, pas de Gabonais et pas de Togolais. Par contre les Guinéens ont été oubliés alors qu’ils étaient très nombreux.

 Pour une raison que j’ignore, Pascal Blanchard se méprend complètement sur le « blanchiment » malheureusement suivi par le député :

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Après leur libération, il est décidé de les démobiliser, notamment pour une opération de « blanchiment » des troupes françaises .

Il n’a jamais été décidé de les démobiliser comme le prouve un courrier du 2 octobre 1944 du directeur des Troupes coloniales, le général Ingold, au ministre des Prisonniers de Guerre : « Les militaires indigènes coloniaux ne doivent être en aucun cas démobilisés même à titre provisoire avant d’être arrivés dans leur colonie d’origine ». Il n’y a donc pas eu d’avance sur prime de 1500 francs versée en octobre 1944. Le traitement était tout autre pour les ex-prisonniers de guerre nord-africains.

 Dans un rapport officiel de l’Assemblée nationale, les martyrs de Thiaroye sont désormais présentés comme étant démobilisés avant le massacre ce qui induit qu’ils n’étaient plus militaires mais des civils. Dans ce cas, le massacre de Thiaroye est un crime contre l’humanité et le ministère des armées doit clarifier ce point.

 Quant à l’opération de « blanchiment », en aucun cas les ex-prisonniers de guerre n’étaient concernés puisqu’ils ne combattaient pas dans l’Est de la France après le débarquement de Provence. Je joins un extrait de la lettre du général de Gaulle au général Eisenhower qui montre que ceux qui ont été victimes du « blanchiment » ont été dirigés vers le midi et non à Morlaix.

Dans son documentaire « Décolonisations, du sang et des larmes », diffusé le 6 octobre sur France 2, Pascal Blanchard a été encore plus loin dans la désinformation et la tromperie du grand public puisqu’il présente les hommes de Thiaroye comme ayant fait le débarquement de Provence.

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Je constate que le député reprend ce que j’ai écrit dans mon ouvrage notamment les 315 tirailleurs sur 1950 qui ont refusé d’embarquer à Morlaix pour n’avoir pas perçu le quart de leur solde de captivité conformément à la règlementation en vigueur. Pour les 400 qui auraient refusé d’embarquer à l’escale de Casablanca, j’ai apporté la preuve que cette information était mensongère et je regrette que Philippe Michel-Kleisbauer la passe sous silence. Les autorités ont diminué le nombre de rapatriés au départ (1280 à la place de plus de 1600) pour camoufler le nombre de victimes. C’est un mensonge d’Etat car les ordres sont venus du gouvernement provisoire pour falsifier les faits et non de quelques hommes nostalgiques du Maréchal Pétain et du régime de Vichy. Un de ces officiers a été puni mais pour quelles raisons le ministère des armées refuse obstinément de donner le libellé du fait matériel pour lequel il a été puni alors que rien ne l’interdit pas même l’amnistie ?

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