Le hasard n’existe pas. La volonté de gouverner les hommes ou d’orienter la politique en s’appuyant sur la force armée est une vieille tradition qui remonte à plusieurs civilisations. Même si un putsch militaire est toujours risqué et demande beaucoup de courage et de lucidité.
Mais l’option militaire est parfois la solution pour éviter le chaos dans certaines situations hors normes. Car il s’agit de poser un acte d’autorité violent, sanglant pour la plupart des cas, consistant dans une atteinte réfléchie, illégale et brusque, aux règles d’organisation, de fonctionnement ou de compétence des autorités constituées. Autrement dit, c’est un forcing dirigé selon un diagramme bien étudié au préalable dans un cadre de concertation entre les acteurs locaux en parfaite entente avec une puissance étrangère dans le but de s’emparer du pouvoir.
Face à la montée de la terreur, le Sahel a besoin d’états forts, capables d’apporter sans faiblesse la riposte la plus appropriée face à la menace terroriste. Dans la plupart des régions sahéliennes, l’insécurité à atteint son paroxysme. Tous les schémas politiques de sortie de crise semblent avoir échoué. Ce qui explique à mon avis, l’immixtion de régimes militaires a, capables de prendre le taureau par les cornes et de renverser le cours de l’histoire.
Sur les dix Etats que compte le Sahel (Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad), trois – le Mali, le Tchad et la Guinée ont renoué aujourd’hui avec le pouvoir militaire.
Pour donner un sens aux récents événements dans ces trois pays, il nous faut d’abord analyser sans complaisance les zones d’ombres à ce niveau où la junte, entrainée et bénéficiant des financements de la coopération militaire dans le sahel prend le pouvoir dans la plus grande impunité.
Ce qui semble justifier à certains égards ce regain de tension, marqué par le début d’un printemps sahélien où tous les états souverains ont perdu le contrôle de leur territoire ; incapables d’assurer la sécurité au niveau des frontières.
Devenue la ruée des grandes puissances qui se le disputent, le sahel va basculer dans le chaos par la vulnérabilité de ses troupes au sol. L’intensité des combats entre tribus rivales, des attentats, des trafics humains et autres épouvantes créent une confusion totale entre les acteurs clés de la crise dont les États, les hommes d’affaires, les tribus, les mercenaires, les groupes djihadistes ainsi que les mouvements politiques ou idéologiques. Autre fait obscur : le durcissement de ton de la France acteur clé de la guerre contre le terrorisme, de ses agitations tous azimuts pour défendre son influence et sa suprématie dans la zone, devenue presque incontrôlable par les états à la fois légitimes et impuissants, malgré toute l’aide et l’assistance dont ils bénéficient.
La France et l’Union européenne, disons le très clairement, dans le cadre très fermé de la coopération militaire sont indexés comme les principaux complices qui sont financent, équipent et forment des officiers toujours prompts à commettre des coups d’Etats, tuer des civils et piller les caisses du pays. Ce que semble confirmer le silence du parlement européen à ce sujet.
En Guinée, la junte militaire a attendu les moments de crise profonde et d’instabilité sociale du régime de Condé pour entrer en action. Comme ce fut le cas à Bamako, où des manifestations massives ayant duré pendant 03 mois ont plongé le pays dans le chaos et donné l’occasion à Assimi Goïta de s’emparer du pouvoir. Au début, on se demandait même si les militaires n’étaient pas derrière les manifestants, mais on s’est vite rendu compte que ce n’était pas le cas.
Le Capitaine Goïta avait annoncé vouloir mettre en place une déclaration des avoirs personnels des principales personnalités de l’exécutif. Finalement, rien ne s’est passé. Ce qui prouve que les juntes militaires subissent des pressions extérieures et ne sont pas toujours maîtres de la situation. Souvent incapables de tenir leurs promesses, il n’est pas rare que les putschistes, une fois installés au sommet, renversent la situation de manière spectaculaire et très inattendue, pour y rester.
Comme tous les auteurs de coup de force, l’actuel Présidant Doubya qui ne sera pas le dernier insurgé au Sahel, s’est empressé d’expliquer que son intrusion dans la vie politique relève tout naturellement de la nécessité de préserver l’ordre constitutionnel et la démocratie.
Il est vite monté au créneau pour rallier la classe politique à sa cause et séduire le monde par une charte inédite, bien pensée, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation. Toutes les personnes participant à la transition seront interdites de candidature aux prochaines élections nationales et locales, à commencer par le meneur des putschistes et actuel chef de l’État, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Une disposition n’étant susceptible d’aucune révision, souligne le texte.
Ce ne sont pour le moment que des déclarations d’intentions pour asseoir les bases d’une transition apaisée. Mais concrètement, les ingrédients de la crise qui ont porté la junte au pouvoir sont toujours latents et vont encore perdurer du fait que la Guinée reste un pays pauvre et instable. L’autre disait que les lois sont faites pour être violées et que les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Tel qu’on le voit, les gouvernements de transition cherchent toujours à rassurer le monde de leur noble intention. Puis, ils créent un cadre juridique de fonctionnement à la hâte pour ensuite assigner des rôles législatifs et exécutifs à différentes instances. Enfin, ils font des tas de promesses en acceptant d’organiser un calendrier électoral dans un court délai pour passer le pouvoir aux civils.
Dans le contexte actuel, nous devons réfléchir sur le couple armée et démocratie, plus complexe que la communauté internationale nous le présente : Des sanctions mitigées allant de l’embargo qu’on le présente généralement.
Pourquoi y’a-t-il une si grande incompatibilité de principe entre la démocratie et la brutalité armée dans nos état africains? Nous savons que la démocratie réclame l’abandon de tout recours à la force au profit d’une régulation juridique des rapports entre les acteurs politiques. Elle implique que le pouvoir s’acquiert, non par les armes, mais par le jeu pacifié des rapports politiques conflictuels au travers d’élections disputées.
Ainsi, je me demande si à défaut de mettre fin à l’intervention des militaires dans la vie politique, ne conviendrait-i pas de reconnaître à l’armée un rôle d’acteur politique ?
Cependant, si la démocratie est souvent fragilisée par l’armée en Afrique, il arrive parfois que cette dernière se porte au secours de la démocratie lorsqu’elle est menacée. Certes les militaires n’ont pas dit leur dernier mot sur le champ politique des états sahéliens ! Car, à des degrés divers, tous ces pays sont devenus très fragiles, poreuses et occupent un niveau très bas dans leurs classements internationaux en termes de stabilité et de développement.
Mamour BA