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De «l’enseignement Civique»

Présidant la cérémonie officielle de remise des distinctions aux lauréats du Concours général, édition 2023, le Président de la République, M. Macky Sall, a fait cette déclaration :  «J’ai failli d’ailleurs introduire l’éducation militaire à l’école, mais nous allons voir les formes adéquates pour que l’enseignement civique soit pratiqué dans nos écoles. C’est comme ça seulement que nous pourrons préparer nos meilleurs citoyens de demain.»

Dans les différentes liaisons et autres commentaires, on perçoit quelques imprécisions du genre «le gouvernement va introduire l’éducation civique à l’école». Il est fréquent d’ailleurs que des journalistes demandent à des ministres de l’Education «pourquoi on ne fait plus de l’éducation civique à l’école ?».

De l’état des lieux

Ce que nous avons en partage avec beaucoup de pays du monde, c’est l’introduction de l’éducation à la citoyenneté.

Aujourd’hui, au cœur des débats sur l’avenir de l’école, une préoccupation émerge et devient de plus en plus poignante : l’éducation à la citoyenneté.

L’éducation à la citoyenneté englobe «l’éducation civique» et l’enseignement de la morale, qui ont montré leurs limites face aux enjeux actuels. En effet, la crise des valeurs, la complexité des relations humaines, la nécessité de la diversité et de la démocratie positionnent autre chose que la classique éducation civique. L’éducation à la citoyenneté recouvre l’apprentissage de la démocratie, l’apprentissage de la coopération, l’éducation aux droits humains, l’éducation à la paix.

Ainsi, l’éducation civique n’a jamais été supprimée, elle se retrouve dans une catégorie plus englobante et plus actuelle.

Dans nos programmes scolaires, l’éducation civique est présente.

Au niveau élémentaire, le curriculum de l’éducation de base, dans son domaine «éducation à la science et à la vie sociale», structure deux sous – domaines :

Découverte du monde (avec trois activités : histoire, géographie, initiation scientifique et technologique)

Education au développement durable  (activité 1 : vivre dans son milieu avec environnement, population, santé ; et activité 2 : vivre ensemble avec genre, paix, citoyenneté et droits humains, éducation religieuse)

L’on peut relever notamment dans l’activité «vivre ensemble», les objectifs d’apprentissage suivants : respecter les règles de vie en commun, respecter les règles élémentaires de civisme, respecter les différences, respecter les diversités, s’acquitter de ses devoirs, promouvoir les idéaux de paix…L’on peut remarquer que ces apprentissages sont très pertinents sur des questions de civisme et de citoyenneté.

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Au niveau de l’enseignement moyen (collèges), il existe un programme d’éducation civique. Le Guide d’usage des programmes d’éducation civique est structuré en compétences de niveau. En voici une pour exemple : «…Intégrer des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être relatifs à l’environnement, la solidarité et aux défis sociaux au Sénégal en vue de promouvoir une citoyenneté active…»

La citoyenneté active renferme et dépasse les contenus naguère conférés à l’éducation civique et morale.

Constats d’inefficacité

Malgré l’existence des éléments relatifs au civisme et à la citoyenneté dans nos programmes scolaires, l’on constate tous les jours des comportements qui tendent à faire croire que rien n’est fait pour avoir de bons citoyens, préoccupation légitime du Peuple sénégalais en général et du chef de l’Etat en particulier. Si la question de l’éducation civique se pose en termes d’existence et d’introduction, c’est qu’il y a des problèmes.

Il y a des insuffisances dans nos pratiques. L’explication peut être trouvée dans les faiblesses de l’éducation familiale, les mauvais exemples servis au quotidien, l’influence néfaste des réseaux sociaux, le silence complice («le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire» Albert Einstein) …

En ce qui concerne l’école, il est clair que les stratégies d’enseignement apprentissage utilisées méritent d’être revisitées. Non seulement la centralité sur l’apprenant est déclarative, mais les apprentissages sont basés essentiellement sur la mémorisation-restitution et l’évaluation au papier-crayon. L’on mémorise et restitue plus qu’on intègre dans des situations concrètes de la vie. Les comportements de tous les jours divorcent d’avec les contenus des apprentissages. Il reste à organiser les apprentissages pour qu’ils structurent la vie scolaire et accompagnent la vie sociale.

Quelques pistes pour améliorer les pratiques

«C’est en citoyennant qu’on devient citoyen»

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En 2016, à l’occasion de la traditionnelle cérémonie de réception de dignitaires dans les ordres nationaux, le chef de l’Etat avait déclaré de manière solennelle : «Il nous faut former et éduquer sans relâche nos enfants aux valeurs de la République et de la citoyenneté…  car ce sont ces valeurs qui animent l’âme d’une Nation et balisent la voie du progrès dans la paix et la concorde.»

La quête est permanente. Il faut Agir.

Tous les techniciens de l’éducation devraient réfléchir aux voies et moyens à mettre en œuvre pour que nos enfants adoptent des comportements citoyens. Il est temps de dépasser les discours.

Nous suggérons, sans aucune prétention, deux opérations. La première opération c’est le renforcement de nos curricula, dans le sens de la systématisation d’une éducation aux valeurs, et d’une amélioration des dispositifs pédagogiques.

Le choix des valeurs se fera de manière consensuelle et inclusive.

Les Assises de l’éducation, organisées en août 2014, avaient retenu trois valeurs : le respect, la foi et la créativité

le respect (respect de soi, de l’autre, respect des règles, respect de la Justice, respect du bien public, respect des valeurs fortes, respect de l’environnement),

la foi (confiance inébranlable en nous, en nos convictions religieuses, philosophiques, politiques, une forte croyance aux potentialités du Peuple, un patriotisme ardent, une constance dans nos choix et objectifs, une persévérance et un courage avérés, le culte du travail bien fait)

et la créativité (une tension permanente pour toujours innover, pour résoudre les situations-problèmes en restant inventif).

De plus, notre patrimoine culturel et social est riche de valeurs fondatrices telles que la «kersa», le «soutoura», le «diom». Cette dernière valeur, le «diom», semble être la base axiologique de la devise de notre Armée nationale, «on nous tue, on ne nous déshonore pas». Notre armée est réputée pétrie de valeurs républicaines telles que l’obéissance au supérieur et l’exemplarité. L’on sait, par ailleurs, la place de ces valeurs dans la structure familiale.

Le renforcement des curricula devra également inclure l’élaboration et la mise en œuvre de situations significatives d’intégration fortement articulées à des situations de vie réelles et durables. Il faut signaler, ici, que les Situations Significatives d’Intégration proposées dans le Guide du Curriculum de l’éducation, pédagogiquement très pertinentes, restent quand même théoriques. Pour leur amélioration, les structures gérées par les enfants (gouvernements scolaires, clubs, parlements des enfants…) peuvent jouer un rôle essentiel.

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La deuxième opération concerne le partage et la mise en œuvre d’un plan d’actions national. C’est une activité politique qui doit être dirigée par le président de la République ou le Premier ministre. Des actions précises seront identifiées, précisant ce qui est attendu des différents ministères, de l’Assemblée nationale, des collectivités territoriales, des établissements scolaires et centres de formation (publics, privés, daaras…), des syndicats, des partis politiques, des médias, des associations diverses (Asc, dahiras…). Il faudra par ailleurs, mettre à profit le leadership des chefs religieux et coutumiers. En avant pour une «journée nationale de…» !

Au nombre des actions envisageables, l’on peut citer la sensibilisation dans les lieux de culte, la vulgarisation/valorisation des bonnes actions, les journées nationales du nettoiement ou «Cleaning day», des journées de restauration et de sauvegarde de sites, des journées de protection des canaux d’évacuation, des interdictions (eaux usées, urines, crachats, pollutions diverses, retards et absentéismes au travail, mauvais accueil dans les centres de santé et les structures de l’Administration…).

Les journalistes, les écrivains, les sportifs, les artistes, les communicateurs traditionnels… ont un rôle essentiel à jouer dans la sensibilisation.

En conclusion, on peut affirmer que les nombreuses lamentations sur la crise des valeurs, sur les comportements déplorables ne suffisent pas. Il faut agir, car le fossé est encore très grand entre ce qui a été fait et les défis énormes qui restent à relever. Je pense que tout ce qui devait être dit a été bien dit, il reste à faire !

Kaba DIAKHATE

Inspecteur de l’éducation à la retraite

Kabadiakhate2@gmail.com

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