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Brouillage Judiciaire Pour Une Éventuelle Disculpation

Aujourd’hui et personne, à moins d’être d’une mauvaise foi maladive et manifeste, ne peut nier que le Sénégal traverse un des moments les plus difficiles, les plus délicats et les plus cruciaux de son histoire. Le scandale lié à l’affaire Prêt-Tim est sur toutes les lèvres et alimente le débat public. Cette affaire sulfureuse, inédite et d’une gravité qui dépasse l’entendement, est d’une acuité et d’une prégnance telles qu’elle a obligé les plus hautes autorités du pays, notamment la Président de la république à se départir de leur calme olympien et à sortir du silence méprisant, dédaigneux et condescendant qu’elles avaient l’habitude d’opposer à toutes interpellations publiques qui leur étaient adressées dans le cadre de leurs responsabilités étatiques, notamment au sujet des nombreux cas de détournements de deniers publics. Pour l’heure, nous assistons, plus ou moins amusés, à une frénésie palpitante dans la communication tous azimuts des autorités gouvernementales, et d’où il est très facile de relever de fortes contradictions et d’énormes mensonges. Le ministre de la justice n’a-t-il pas dit qu’il s’agit d’une affaire privée ? N’est-ce-pas le même ministre qui a publié un communiqué pour informer que le gouvernement a saisi le Procureur général pour diligenter une enquête aux fins de faire la lumière sur cette affaire ? Le responsable en charge de la communication présidentielle n-a-t-il pas, dans un premier temps nier l’existence du rapport de l’IGE, pour ensuite dire, sans la moindre gêne ni la moindre excuse, que le Président n-a pas encore reçu le rapport incriminé ? 

Cela ne devrait surprendre personne, dans la mesure où et je n’aurai de cesse de le dire et de le seriner, la Présidence de la république a perdu sa sacralité et sa solennité, tout simplement, parce qu’on y enregistre des propos mensongers de la part de certaines autorités. Le point d’orgue de la communication gouvernementale a été la conférence de presse du Procureur de la république qui est sorti d’une très longue période d’hibernation qui a souvent amené les Sénégalais à se demander s’il y avait quelqu’un pour défendre la société des agressions et injustices qui provenaient de la société elle-même. C’est le lieu de rappeler que les gouvernants exercent leurs missions et que les magistrats rendent la justice au nom du peuple souverain seul détenteur du pouvoir légitime. Dieu sait qu’il s’est passé beaucoup de choses qui ont suscité l’émoi au sein de la population et qui auraient dû pousser le Procureur à faire une adresse, ne serait-ce que pour calmer et rassurer les esprits. Dans son entame, le Procureur nous a mis au fait qu’il a été instruit par ses supérieurs ; ce qui veut dire en clair qu’il n’aurait certainement pas réagi et continuerait à garder le mutisme. C’est inquiétant tout de même. A moins de me tromper, il me semble avoir entendu le Procureur dire que l’objet de l’enquête est d’élucider les populations sur cette affaire. Je me permettrais de lui faire savoir qu’on n’élucide pas des personnes mais qu’on les éclaire, justement, pour qu’elles soient lucides afin de mieux comprendre, dans ce cas d’espèce, les enjeux de ce scandale. Malheureusement, ce face à face avec la presse a été très contre-productif et n’a fait qu’instiller le doute et la suspicion dans les esprits quant à la volonté réelle des autorités de faire éclater la vérité. Et que dire de cet appel à témoins dans ce cas de figure.

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Le Procureur aurait dû et pu se contenter de dire qu’il a saisi la Division des investigations criminelles et la Section de recherches de la gendarmerie pour enquête. Il n’avait point besoin de préciser à l’intention du public les détails des instructions données. C’est très gênant pour ces officiers de police rompus à la tâche, qui, maintes fois, lui ont présenté des résultats probants d’enquêtes très délicates et complexes ; ces enquêteurs de la Police et de la Gendarmerie techniquement et opérationnellement plus et mieux outillés que le parquet. Seulement ils sont plus fragiles, plus exposés et moins protégés que les magistrats. Les enquêteurs auraient été heureux qu’on leur laissât diligenter leurs investigations dans la plus totale discrétion. Ils ont l’habitude de constater les faits incriminés, d’en rechercher les auteurs, de les appréhender pour les présenter auprès du Procureur de la république. Le Procureur n’a pas été prudent en demandant aux gens de se présenter à la DIC ou la Section de recherches alors qu’il n’avait pas encore saisi ces services de manière officielle ; Clédor Sène l’ayant pris au mot s’est rendu à la DIC pour s’entendre rétorquer qu’aucune instruction n’est venue du parquet, installant ainsi un profond malaise qu’une sérénité aurait pu faire éviter. C’est un peu dommage pour la crédibilité du Procureur et de la suite de l’enquête. Cet appel à témoins a tout l’air d’un appel de diversion pour davantage créer un imbroglio destiné à complexifier l’enquête. Cette affaire est très sérieuse et d’une gravité extrême avec des enjeux sociétaux énormes. L’enquête ne sera peut-être pas folklorique, mais son sens de marche n’aboutira qu’à des conclusions inexploitables ; l’avenir nous édifiera.

A mon humble avis, il y a erreur sur le casting, sur la distribution des rôles entre la Police et la Gendarmerie ; en effet, il aurait été plus judicieux de confier le dossier du rapport de l’IGE à la DIC et celui sur Petro-Tim à la Section de recherches. En diligentant le dossier qui leur a été confié, les enquêteurs de la Police vont devoir interroger leurs supérieurs, notamment le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye sur qui pèsent de lourds soupçons de faux et d’usage de faux. Encore faut-il pouvoir l’interroger compte tenu de sa station ministérielle. Quant au Président de la république, il est totalement exclu d’y penser ; il bénéficie d’une immunité qui le soustrait à toute procédure judiciaire. Et pourtant, il apparait dans ce scandale comme le principal responsable en tant que signataire des décrets octroyant à Pétro-Tim les permis de recherches et d’exploitation sur les blocs offshores de Cayar et de Saint-Louis. Le Président Macky Sall a une double responsabilité politique et morale. S’il y a un constat à faire, c’est au sujet de l’attitude du Procureur de la république qui a fait dans tous les registres ; tantôt c’est de l’ironie voire du persiflage, tantôt ce sont des propos comminatoires subtiles et quelquefois il verse dans le sibyllin. La charge de procureur de la république est l’une des plus éminentes fonctions dans un Etat ; elle confère un pouvoir quasi divin et une puissance extraordinaire à son titulaire qui doit en mesurer l’importance et en apprécier la gravité.

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La presse exerce une fonction de contrôle social

Dans le registre de l’ironie, le Procureur de la république à un peu chahuter les journalistes en évoquant les officines d’experts et de connaisseurs dans les rédactions. C’est taquiner la presse, cette même presse qu’il a convoquée pour faire passer son message et dont il serait déçu si elle n’avait pas répondu à son invite. Il y a tout lieu de faire comprendre au Procureur que la presse exerce une fonction de contrôle social et qu’à ce titre, elle peut valablement se prévaloir de représenter les citoyens, leurs intérêts et défendre leurs droits. Son indépendance et sa liberté sont garanties dans les démocraties majeures, peut-être moins dans des ersatz de démocratie comme chez nous. Et pour la gouverne du procureur il me plait de reprendre ces mots de Garçon « La presse constitue par le contrôle qu’elle exerce, par les révélations qu’elle publie, une sauvegarde contre les abus du pouvoir ; la liberté qu’on lui accorde est en proportion de celle dont jouissent les citoyens. Il n’est de presse libre qu’un dans un pays libre et chaque entrave qu’on lui met est une servitude qui s’étend à la nation toute entière ». Aujourd’hui, les Sénégalais ne peuvent que savoir énormément gré à la presse, toutes nationalités confondues, qui leur a permis de découvrir le grand scandale lié à l’affaire Pétro-Tim. Ils pourront ainsi élever leur niveau de vigilance, de surveillance et de contrôle par rapport à la préservation et à la gestion de leurs ressources naturelles. C’est le lieu et le moment d’inciter les journalistes à approfondir les investigations dans ce scandale hors norme. Dieu sait que les journalistes en savent énormément, mais leurs esprits républicains et leur sens très élevé des responsabilités les obligent souvent à procéder à de la rétention d’informations très délicates pour préserver l’unité nationale et la cohésion sociale. 

Par rapport à Aliou Sall qui n’est qu’un malheureux pion dans cet énorme scandale, son rétropédalage et son revirement spectaculaires, une véritable tare familiale, ne m’ont guère surpris. Il nous a habitués à ce genre de comportement. Dans toute dernière et récente contribution, je me mettais en doute sa réelle volonté de porter plainte et d’aller jusqu’au bout de cette affaire. Aussi avais-je posé la question de savoir si sa déclaration n’entrait pas dans une stratégie de diversion et de distraction de l’opinion publique, pour finalement se révéler un canular de très mauvais gout ? Quand on est issu d’une lignée noble et guerrière, on ne doit pas se comporter ainsi ; préserver sa dignité et sauver son honneur devraient normalement valoir à un noble guerrier du Fouta de tout faire pour s’innocenter et se blanchir de toute accusation déshonorante et infamante. On semble justifier le retrait de la plainte par la saisine du Procureur par l’Etat. C’est un argumentaire léger et fallacieux. Concernant Aliou Sall, c’est une affaire strictement privée et de diffamation portant sur sa seule personne. La litispendance devrait pouvoir prospérer dans ce cas d’espèce ; en effet, la plainte de Aliou Sall devrait pouvoir être portée simultanément par les juridictions anglaises et sénégalaises qui toutes sont compétentes pour en connaitre

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C’est une véritable fable de Ndoumbélane.

Sont toutes aussi ridicules et piètres ces vaines tentatives de vouloir faire croire que le Président Macky Sall avait voulu limoger son jeune frère et qu’il avait fallu l’intercession d’un ministre, jusque-là non identifié, pour l’en dissuader. C’est une véritable fable de Ndoumbélane. Et, le cas échéant, ce serait très grave ; parce que cela voudrait dire que pour et dans des affaires aussi sensibles, le Chef de l’Etat peut se laisser facilement influencer. Si réellement telle était sa volonté rien ne devrait pouvoir l’en empêcher. Il faut arrêter de prendre les Sénégalais pour des idiots sans cervelle. Le comble, aujourd’hui, est de voir se tenir des réunions, des meetings et des conférences de presse pour soutenir Macky Sall et son jeune frère qui, à l’occasion est paré de toutes les qualités. Des hurluberlus, des inconscients, de profiteurs en manque notoire d’arguments convaincants parlent de collusion avec des puissances étrangères, de déstabilisation du pays et d’appels à l’insurrection. Foutaises que tout ce discours cherchant à faire peur et à vouloir faire paraitre certains Sénégalais comme des traitres. Non et non ; les déstabilisateurs du pays sont dans la rébellion casamançaise ; ce sont ces gens qui ont pris des armes, toujours en leur possession, pour combattre nos vaillants « Diambars » qui ont payé un lourd tribut. 

Et pourtant des autorités frayent avec ces bandits criminels. Le sieur Mansour Faye, pressenti pour remplacer Macky Sall, n’a pas voulu être en reste ; aussi a-t-il joué sa partition en taxant les opposants et toutes personnes ayant critiqué son beau-frère d’ennemis du Sénégal, de compatriotes qui n’aiment pas le pays. Il faut tout simplement le comprendre, il est dans son rôle de défendre le clan « Faye-Sall-Timbo ». Ces agitateurs qui s’évertuent à défendre les frères Sall sont à scinder en deux catégories ; il y a ces responsables politiques qui organisent des meetings de soutien pour se faire remarquer par le prince dont ils espèrent qu’il saura leur être reconnaissant ; il y a les souteneurs opportunistes réputés être de véritables girouettes à la pirouette facile. Ce sont des écornifleurs professionnels qui, à travers leurs sorties sporadiques cherchent à justifier les montants périodiques qui reçoivent de la charité publique présidentielle. Le scandale Pétro-Tim est devenu une période de rente et de traite pour les opportunistes qui savent flairer les bons coups au sein de la majorité présidentielle. Ce qui étonne c’est le silence radio de l’AFP et du PS qui n’ont même pas daigner pondre, ne serait-ce qu’un communiqué pour apporter leur soutien aux frères Sall qui doivent beaucoup méditer sur les comportements des uns et des autres. « NANU AAR LI NU BOKK »

Le pouvoir au peuple, les servitudes aux gouvernants

Boubacar Sadio est Commissaire divisionnaire de police De classe exceptionnelle à la retraite







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