Ah les dimanches de cette époque-là. Moi, le Dimanche, c’était mon jour préféré, bien que c’était pas jour de repos à Ndawene. On se levait tôt comme tous les autres jours, et en avant pour le grand ménage hebdomadaire. On savait tous ce que nous avions à faire depuis la veille. Une équipe pour le lavage de la cuisine, une autre, le grand balayage de toute la maison dans les moindres recoins et les menues tâches de rangement. Mais, ce qui rendait agréable l’atmosphère, c’était le disque des auditeurs. Cette émission avait deux parties, une en Français, avec généralement les tubes en vogue de nos orchestres, une autre, en Wolof, avec les morceaux de notre folklore national et Africain.
Contributions de Alioune Ndao
«Je suis ancien tirailleur sénégalais, engagé dans l’Armée française le 4 novembre 1942 à Dakar. Le 23 septembre 1940, Dakar a été bombardée. A l’époque, je travaillais comme apprenti à la marine nationale française. J’ai assisté au bombardement. J’ai tout vu de mes propres yeux. Le conflit a éclaté à cause de deux camps qui s’opposaient pendant l’occupation : ceux qui étaient pour la France libre, et ceux qui sont restés fidèles au gouvernement du maréchal Philippe Pétain, celui-là même qui a signé la capitulation de la France face à l’Allemagne nazie de Adolf Hitler. Tout ce qui intéressait le Général De Gaulle, c’était, comme il l’a dit lui-même, de rallier à sa cause les colonies d’Afrique pour mener la contre-offensive. Or, le gouverneur général de Dakar, Pierre-François Boisson est resté fidèle au gouvernement de Vichy. Malgré tout, De gaulle a tenté le coup et a cherché à débarquer.»
Je me souviens de la grand-mère Mame Khady. Elle était une femme alerte d’esprit et affairée que j’avais connue dans ma tendre enfance, bien avant qu’elle ne soit cette vieille clouée au lit par l’âge. A chaque fois que je venais la visiter, on avait de longues conversations. Des entretiens lucides que ses petits-enfants interrompaient en entrant dans la chambre par ‘’ Ah, Tonton Badou, y a ngi wakhtaane ak Mame ? Légui dé, da fa nakh’’. Tacitement, sans que l’on se le dise, on se taisait jusqu’à ce que l’intrus parte, et on reprenait.
Il y a une époque, le Bon Dieu envoyait toutes les semaines, mois, et même, des fois, deux ou trois par jour, des Prophètes aux peuples mécréants, libertins, hypocrites, partisans des pratiques sataniques et adeptes des faiseurs de miracles et adorateurs des totems et autres talismans.
Je me rappelle plus, l’année, mais ce jour-là, nous revenions de la plage de hann. Les Dakarois ne savent pas ce qu’ils ont perdu avec cette belle plage de sable blanc et fin, qui abritait des boutiques de plages, des bars-restaurants, dont le plus célèbre, était la guinguette. Il y avait toujours une kyrielle de bateaux de plaisances de toutes les couleurs et de tous les noms imaginables, amarrés sur la côte. Au loin, on apercevait les grands bateaux, dont le paquebot « « Ancerville », tout de blanc, peint, qui attendait d’entrer dans le port. C’était, justement, quand ce bateau–là, arrivait, qu’on allait à Hann, pour l’apercevoir. Il y avait toute une curiosité autour de ce bateau, parce qu’à cette époque, les jeunes qui allaient à Touggal, et qui n’avaient pas les moyens, le prenaient clandestinement. L’Ancerville était un paquebot qui faisait la ligne entre Dakar et Marseille. On disait même, qu’il avait emmené nos grands-pères et pères à la Mecque.
Je me rappelle quand j’allais chez ma grand-mère, Mame Maguette. J’aimais sa chambre pauvre, propre, bien rangée, avec de petits seaux en fer qui contenaient qui, du »mbouraké », un autre, des jujubes, un, des »beignets dougoub ». Y avait toujours à manger chez Mame Maguette. Des fruits de saison comme les alômes, les woul, les dimb, Pendant la saison des pluies, lors des premières récoltes, il y avait toujours de l’arachide. Des variétés d’arachides. De l’arachide de bouche, pulpeuse et pleine de lait avec des gousses qui contenaient quelque fois jusqu’à cinq graines. Ce que j’aimais le plus, c’était le »gadianga », cette espèce d’arachide à coque unique et ronde qu’on faisait bouillir comme le »guerté mbakhal », Le »sombi mbokh » du soir ou le »lakhou notterie ».
Mon histoire du dimanche va relever un peu de la légende sur un lieu que beaucoup dépassent, sans savoir qu’il fut un haut lieu de la vie de Dakar.
Je suis le dernier à le savoir, mais savez-vous que la Grande ANGLETERRE n’a pas de CONSTITUTION. Tout est basé sur des Lois non écrites, sur des ressorts culturels puissants qui font que des Ministres se font démissionner parce qu’ils ont payé leur jardinier avec l’argent de l’Etat, ou qu’ils ont utilisé leur véhicule de service pour aller au supermarché.
On est toujours dans une partie du royaume de mon enfance, les Sicap. Cette fois, à la Sicap Rue 10 ou Sicap Serigne Cheikh, du nom de l’illustre Marabout Mouride, à qui le Président Senghor avait demandé de lui construire ce quartier et une partie de la Sicap Baobabs.
Nous sommes toujours à la Sicap Baobabs, où comme vous le savez maintenant, j’ai passé une partie de mon enfance. Dans les années 70, Baobabs était le dernier quartier avec les Liberté 1, 2 et 3 adossés au collège Sacré-Cœur, qui , je crois a été construit dans les années 60.
Cette année-là, j’étais allé en vacances à Kaolack, la ville où je suis né. Mon grand-frère là, c’est un peu mon père, il a des enfants qui sont plus âgés que moi. C’était un directeur d’école de l’ancien temps. Rigoureux, qui n’aimait pas nous voir assis à bavarder ou discutailler. Des vacances, chez ce grand-frère, c’était études et boulots. Il avait aménagé un grand jardin qui jouxtait la grande cour de l’école, et c’était à nous de l’arroser à des heures précises et de veiller sur sa sécurité qui était menacée par les animaux en divagation.
La population Sénégalaise est une société mal politisée, qui a sauté des étapes décisives dans la construction et la marche d’un Etat, surtout Africain.
On est toujours au Sénégal, où vivent les Sénégalais, ces êtres supérieurs à tous les autres, qui se réveillent tard, mais vous racontent le magnifique lever de soleil de leur rêve du petit matin. Au Sénégal, quand les Sénégalais vous parlent de ce qu’ils savent le plus, c’est pour vous en exprimer leur ignorance totale. Quand, aussi, ils vous parlent de ce qu’ils ignorent, vous avez l’impression qu’ils ont été à la base de l’existence de cette chose là. Y a pas à dire, si au Sénégal, il n y a pas de cirque avec des jongleurs et des voltigeurs, c’est qu’en fait, ce pays en est un, à ciel ouvert. Le pire dans tout ça, c’est que ces maîtres de l’esbroufe pensent qu’ils peuvent jongler avec le temps, le suspendre, l’assommer ou même le tuer en le remplissant de verbiages, de palabres sans issue. Tous les sujets sont bons, pourvu qu’ils mènent à tout, sauf au TRAVAIL.
On est au Sénégal, ce pays spécial peuplé de gens spécieux qui fonctionne avec ces règles non-écrites qui sont au-dessus de la Constitution, ce livre que peu de gens connaissent et ne veulent connaître. La preuve, les constitutionnalistes, on les compte avec les doigts d’une seule main, et ils ne sont utiles et utilisés que de temps en temps.
Quand on a une politique, il faut en avoir les moyens. L’Etat du Sénégal, à travers sa Justice, en voulant rendre justice, ne porte-il pas tort aux condamnés et à la Société qu’il est censé protéger? Ces prisonniers entassés dans des lieux, qui, à l’origine, étaient des écuries de chevaux (cas de la prison de Reubeuss), d’anciens garages ou, en tous cas, des endroits qui avaient d’autres destinations que celle d’accueillir des condamnés. L’Etat, ne viole- t-il pas ses propres lois, dans son incapacité à prendre correctement en charge, ces hommes, qui, même, s’ils ont fauté, ont des droits, dont le plus élémentaire, qui est reconnu depuis la Création, est qu’ils sont des êtres humains et doivent être traités comme tels.
Connaissez-vous l’emploi du temps du fonctionnaire ? Il travaille quatre heures pour l’Administration publique, quatre heures pour l’Administration Publique Privée. Comme d’habitude, il faudra que j’aille emprunter une toge de professeur pour vous démontrer ce que vous savez plus que moi. Fonctionnaire ! le mot magique, la sinécure à vie, la garantie de ne pas travailler et d’être payé à vie.
Aujourd’hui, j’ai porté mon costume de Justicier pour rendre Justice à des acteurs civiques incontestables, des politologues aguerris et des scrutateurs avisés de notre Société malade ; je veux nommer les socio-anthropologues-politologues Sylla mounial et Tonton Ada.
Le Sénégal a dépassé la croisée des chemins, les Sénégalais veulent autre chose et plus que ne leur donnent leurs politiques et leurs intellectuels (s’il en existe encore). Les Sénégalais veulent des Institutions solides, durables et justes qui leur garantissent la Paix sociale, la Justice pour tous et la Stabilité pour se projeter avec sérénité dans le futur.